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état de la province.

qu’il a été requis de prêter le serment général ou de laisser la province, et c’est sans due réflexion qu’il a choisi ce parti. Votre pétitionnaire regrette sérieusement, pour bien des raisons, la résolution qu’il a prise alors à la hâte. »

Le voilà qui regrette sa première décision ; auparavant ses intérêts ne lui permettaient point de prendre les armes pour le gouvernement de S. M. ; il ne se croyait point justifiable de renoncer à son attachement pour les États-Unis ; les circonstances changent, et comme le marchand n’a pour Dieu que son coffre-fort et son or, il s’y dévoue bien vite entièrement. Il continue ainsi sa pétition : « Il craint une perte très grande si non totale d’une dette importante qui lui est due dans la partie Est de la province (dont votre pétitionnaire a soumis les détails à vos honneurs il y a quelques jours) dans le cas où il serait obligé de partir, et il trouve que ses affaires dans d’autres parties de la province, et surtout ici, sont dans un état qui ne le justifierait pas s’il laissait le pays. Votre pétitionnaire prend de plus la liberté de remarquer qu’il a récemment reçu des lettres de ses amis à Boston qui le pressent fortement de rester dans cette province, si on le lui permet, et lui exposant la position désagréable de ceux qui dans les États ont des vues qui ne sont point d’accord avec la politique actuelle du gouvernement ; vu le laps de temps que votre pétitionnaire a passé dans cet endroit-ci, il ne peut s’empêcher d’être fortement attaché au pays et au gouvernement, et il regarde ce pays comme sa patrie plus que tout autre. Dans ces circonstances votre pétitionnaire supplie qu’on lui permette de prêter le serment et d’être mis sur le même pied que les autres sujets de S. M. dans cette province ; et par devoir il ne cessera de prier.

Horatio Gates.

Je prendrai encore la liberté d’observer à l’honorable Conseil, que par l’arrivée de mon neveu, M. Nath. Jones, j’ai reçu des lettres de Boston, par lesquelles j’apprends que je puis réaliser les fonds que j’avais transmis aux États, au moyen de lettres de change sur l’Angleterre pour des fonds que j’y ai sujets à mon contrôle.

Horatio Gates.

Au dos de cette requête (datée du 22 Janvier 1813) ou trouve ce qui suit :

« Huit jours sont accordés à M. Gates pour demeurer ici, et pas plus, à partir de cette date. C’est la décision du gouverneur général qu’il sorte de cette province. 2 Février 1813. » Et plus bas, on voit les mots suivans de l’écriture de M. McCord, magistrat d’alors : « 10 Février. — Reçu ordre de M. McGill de retenir le passe-port de M. Gates jusqu’à ce que le comité du Conseil ait prononcé sur une référence de Son Excellence, reçue ce jour. » Il est étonnant que les gouverneurs n’aient pas été aussi faciles alors qu’ils l’ont été depuis. C’est après une pareille conduite, après toutes ces tergiversations que M. Gates a été appelé au conseil législatif, sans être sujet britannique. L’acte qui naturalise les étrangers après un séjour de 7 ans n’avait pas encore pu opérer pour lui ; et c’est avant d’avoir prêté le serment d’allégeance (car il ne l’a prêté que le 25 Janvier dernier) qu’il va siéger au conseil ; c’est lorsqu’il est constaté qu’il n’est pas sujet britannique, et qu’il a refusé de prendre les armes pour le gouvernement et la défense de ce pays, que dans ce conseil législatif même il outrage indécemment la chambre d’assemblée et le peuple de ce pays, en les accusant d’être des traîtres et de vouloir une révolution.

Ce sont là des tableaux qu’il convient de dérouler, car il s’agit d’hommes publics. Ce sont eux qui sont les plus dangereux, car ils trahissent souvent le gouvernement qui croit devoir s’en rapporter à eux. Ils sont sans patrie, sans intérêt qui les lie au peuple, prêts à demeurer ici tant qu’il s’y trouveront bien, et à partir aussitôt qu’ils croiront pouvoir mieux faire ailleurs. Ils adresseront leur encens et l’adulation aux autorités, lorsqu’ils y trouveront leur profit, et ce sont eux qu’on fera passer et qu’on regardera comme bons sujets. Tel a été le cas dans la guerre ; la chose est constante, et sera connue dans l’histoire. C’est alors que seront dévoilées les intrigues de certains personnages qui prétendent être bons sujets, et qui, en 1810, accusaient les représentans du peuple d’être révolutionnaires, parce qu’ils voulaient payer les dépenses du gouvernement. Ceux qui pendant la guerre disaient : Volons aux frontières, sacrifions notre vie pour la défense du pays et du gouvernement contre les ennemis de S. M. ; ceux qui, dans cette chambre, veulent remédier aux abus de l’administration et travailler au honneur du peuple et à consolider son union avec le gouvernement, ceux là seuls sont bons sujets ; et cependant ils sont calomniés et accusés de vouloir renverser le gouvernement.

Quand donc nous demandions à quelle époque M. Gates avait été recommandé, quel titre il avait eu à la faveur de l’administration, le gouverneur en chef a voulu bafouer la chambre et il a refusé de répondre. Eh ! bien, nous pouvons nous passer de ces explications ; nous savons que son Mandamus est daté du 1er Août 1832 ; et que c’est parce qu’en Avril et en Mai de la même année, il faisait le métier d’assommeur, qu’il fut recommandé comme digne d’entrer au conseil législatif. Nous le savions dès lors ; et cela suffit pour faire voir à quel point le gouverneur se compromet, ainsi que tous ceux qui l’entourent.

Dans d’autres circonstances la chambre a éprouvé de pareils refus de la part d’un homme aveuglé qui se croit un autocrate, et qui croit pouvoir aller seul sans nous. Il est inutile, M. le Président, de fatiguer la patience de ce comité en signalant la masse de corruption qu’offrent nos administrations. On a pu faire quelques choix judicieux ; mais ce n’a été que pour aveugler, et faire naître des espérances qu’on ne se proposait point de réaliser. Les ennemis de cette chambre ne cessent de faire des déclamations indécentes contre nous, on nous accuse d’être des factieux, de vouloir créer des distinctions nationales, et de dire aux autres : Ôtez-vous, pour nous faire place. Cette accusation est une absurdité ; c’est une défense toujours prête pour des hommes corrompus. Nous ne devons pas y faire attention ; il suffit que nous remplissions nos devoirs pour réfuter ces reproches. Je regrette que les membres qui ont pris l’autre jour la défense du conseil ne soient pas à leurs places ; ils auraient eu occasion de répondre à ce que je viens de dire, et aux preuves que je viens de fournir.

Depuis très-longtems j’occupe dans cette Chambre, sans l’avoir demandé et sans avoir prié, un poste auquel m’ont élevé la bienveillance et la confiance des membres de la Chambre,