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état de la province.

espérances s’évanouissent, maintenant qu’ils voyent dans le lointain l’orage qui les menace, il est grandement temps qu’ils sortent de cette léthargie dans laquelle ils semblent plongés. Il est temps qu’ils soient sur l’alerte pour détourner les conséquences de l’orage sur le point d’éclater. Dans une crise aussi fâcheuse, il est important pour le bien-être et le bonheur de ceux qui nous ont confié leurs destinées, que nous, représentans du peuple, prenions une attitude ferme et décidée : rappelons-nous qu’il a dans cette occasion solennelle les yeux sur nous. Il me semble l’entendre de toutes les parties du pays, nous inviter à être fermes et à nous montrer dignes de son estime et de sa confiance ; moi je suis prêt à répondre à cet appel et s’il faut aujourd’hui élever la voix et contre l’administration coloniale, et contre le ministre des colonies, je ne reculerai point devant la tâche : je ne suis pas de ces hommes qui volontiers brûlent un encens honteux sur l’autel de l’adulation, et dont l’esprit vénal et timide ne connaît d’autre aiguillon que l’intérêt, d’autre frein que la crainte. En effet comment se taire, sans se déshonorer, à la vue de tant d’outrages, de tant d’injures lancés de toutes parts contre nous et par contrecoup contre le peuple que nous représentons. Les résolutions devant la chaire sont un récit fidèle de ces griefs sous le poids desquels gémissent depuis longtemps les habitans de ce pays, et dont il faut bien comprendre l’étendue pour ne jamais cesser d’en demander le redressement. L’honble. Orateur en a bien déroulé sous nos yeux le tableau, avec une telle force et avec une telle énergie, qu’il a dû porter la conviction dans tous les cœurs et démontrer la nécessité de l’adoption de ces résolutions. Après un discours aussi sublime que raisonné, que celui qu’il nous a adressé, il y aurait témérité de ma part de vouloir parcourir le même terrain ; d’ailleurs ce ne serait que répétition, ce qui fatigue toujours ; néanmoins aux risques d’encourir ce reproche, je ne puis laisser passer cette occasion sans émettre les sentimens qui m’animent, à la vue de quelques-uns de ces griefs nouveaux qui m’ont le plus frappé : je fais allusion à ces dépêches, tissu d’injures, qui forment, je puis dire, le dernier anneau de cette longue chaîne de calomnies et d’injures, dont nous avons tant de droit de nous plaindre ; contre lesquelles il ne faut cesser de réclamer que quand nous en aurons obtenu l’entier redressement. Il ne fallait pas moins que l’oppresseur de l’Irlande, du tyran je devrais dire, qui a réussi à faire mettre ce beau pays dans les fers par une loi barbare et inhumaine, pour approuver la conduite récente de l’exécutif ; déclarer que nous ne pouvons veiller à nos privilèges et que nous ne pouvons apposer à nos votes d’argent, telle condition qui nous semble juste et nécessaire. Si la doctrine extraordinaire de ce ministre était appuyée et une fois admise que deviendraient les pouvoirs de cette chambre ? Une ombre, et autant faudrait-il qu’il n’y eût pas de chambre, puisque nous ne pourrions être d’aucune utilité au peuple qui nous députe. Mais, M. le Président, perdons de vue pour un moment le principe que le ministre émet, la doctrine qu’il soutient, pour exprimer l’arbitraire et le ton insolent qu’affecte le ministre, et qui sont les traits caractéristiques de ces dépêches et qui doivent révolter tout homme bien né. En effet relisons attentivement ces dépêches et nous trouverons que le ministre fait usage envers ce corps d’un langage, d’expressions qu’il n’oserait tenir envers son égal, sans s’exposer à recevoir le châtiment que son impudence lui attirerait sur le champ, et nous, corps constitué, nous souffririons patiemment de pareilles insultes ? je ne puis le croire… Quoi ! parceque cette chambre dans sa sagesse a, l’an dernier, soumis et sollicité un changement dans la constitution, et nommément l’extinction ou plutôt la modification d’un corps qui entrave continuellement les affaires, sape, je puis dire, les fondemens de cette liberté civile à laquelle le peuple canadien a tant droit de prétendre ; ce monsieur prend sur lui de nous tenir un langage où la grossièreté et l’impudence sont les traits dominans. Il nous attaque sans ménagement, et avec cette sorte de hardiesse effrontée qui suppose toujours du mépris pour ceux contre qui l’attaque est dirigée ; mais qu’il me soit permis de demander la réforme du gouvernement de nos compatriotes, de demander un changement dans la constitution, si l’expérience nous démontre que cette réforme est nécessaire, que ce changement dans la constitution produirait le plus grand bien. Serait-ce parceque nous serions colons, que tout respect est oublié, que nous sommes traités comme des esclaves ? mais comme colons, ne sommes-nous donc pas membres de la société, comme les habitans de la métropole ? ne sommes-nous pas enfans de la Mère-Patrie ? n’appartenons-nous pas à la même famille ? ne sommes-nous pas citoyens de la même patrie, sujets du même empire ? ne devons-nous pas jouir des mêmes droits et des mêmes privilèges ? je voudrais bien savoir si M. Stanley oserait tenir envers la chambre des communes en Angleterre, le langage qu’il s’est permis à notre égard ; mais il semble que tout est permis contre la branche populaire de cette Province ; il n’y a pas jusques au dernier gazettier qui, encouragé, je puis dire, par l’administration coloniale, ne se fasse un devoir dans chaque numéro de sa gazette, de diriger contre ce corps les