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état de la province.

sance à prendre cette responsabilité au poids de la jeunesse. Lorsque j’ai lu ces résolutions pour la première fois, je me suis demandé : celui qui a dressé ces résolutions, ou du moins celui qui s’en est chargé, n’a-t-il pas en vue qu’elles soient refusées, pour avoir le prétexte de dire au peuple, levez-vous, égorgez ceux qui n’ont pas écouté votre demande ? S’attend-t-on que ces représentations seront agréées ? si c’était vraiment l’objet qu’on avait en vue, aurait-on pris soin de réunir tout ce qui peut irriter et aigrir ceux à qui l’on s’adresse ? Voilà les questions que je me suis faites, et auxquelles je ne puis répondre. Quelques mois décideront peut-être la question ; on verra si mes soupçons sont bien ou mal fondés ; on jugera de l’arbre par les fruits. S’ils sont amers, ceux qui l’ont planté, en auront le mérite et la responsabilité, s’ils comprennent bien ce que c’est qu’une telle responsabilité : du moins qu’elle ne pèse pas sur moi. Parmi ces résolutions il y en a une qui annonce un manque total de réflexion. Elle ressemble aux avis des encanteurs, qui contiennent une longue suite, d’articles, et au bas desquels l’on ajoute « et beaucoup d’autres effets, &c. » Cette résolution, qui est la 84e je crois, contient une liste de seize griefs, et elle se termine en disant, qu’il y en a encore tant d’autres qu’il est impossible de les rapporter. Que dira-t-on en Angleterre ? Quoi ! on nous envoie une liste de tous les griefs du monde, et il en reste encore une foule immense. On y rira sans doute de ces lucubrations. Quel remède attend-t-on pour des maux qu’on n’indique même pas ? Tous les griefs du monde, et il en reste encore ! Peut-on vivre dans un tel pays ? Des étrangers m’ont dit qu’ils croyaient que ce pays n’était qu’un glaçon, ne diront-ils pas que c’est quelque chose de pis encore. Je suis persuadé moi que, si ces résolutions passent, elles auront l’effet de diminuer de moitié la valeur des biens-fonds. J’ai des propriétés qui m’ont coûté 20,000 louis, elles ne vaudront pas 10,000. Qu’on réfléchisse à toutes ces conséquences. Ces résolutions, si elles passent, seront, pour me servir de l’expression d’un hon. membre, les fenêtres à travers lesquelles on pourra voir les sentimens de cette Chambre ; et il n’en paraîtra que plus étonnant que de si jeunes membres, comme l’a remarqué M. Bedard, se soient chargés de cette mesure. Moi-même, si je ne connaissais quel est le mot d’ordre, j’eusse été surpris qu’ils l’eussent entreprise. (M. l’Orateur appelle l’hon. membre à l’ordre, et observe qu’il n’y a pas de distinction d’âge à faire dans la Chambre.) Il y a quelques mots d’explications alors, et M. Gugy observe qu’un membre l’avait appelé à la question, au lieu d’appeler à l’ordre, ce qui ne convenait pas. Sur quoi on lui rend justice et il continue. Je me suis apperçu qu’on ne mettait pas dans cette affaire toute la bonne foi possible. Je me suis rencontré avec l’hon. membre pour le Comté de Montmorency à la Bibliothèque de la Chambre ; il avait entre les mains les résolutions, et quoique j’aie coutume de me mêler un peu des affaires, il s’est hâté de me les cacher. Il avait raison de croire que je ne les approuverais pas, mais il aurait dû supposer aussi, qu’il ne me les ferait pas voter, sans que j’eusse le temps de les lire. Si dans cette mesure, comme l’a dit M. Bedard, il ne faut point s’occuper de petits détails, il ne faut point non plus recourir à de si petits moyens. On a appelé notre constitution un fantôme ; à ce propos je ne puis m’empêcher de dire que ce fantôme, que fait surgir le Conseil, a du moins ses avantages. On vient de recevoir du Conseil un bill que j’ai introduit, dans lequel soit par ma faute ou celle des écrivains, il se s’est glissé une douzaine de petites erreurs ; cependant le Conseil, tout inepte et tout insensé qu’il est, les a corrigées. Dans ce bill qui donne à une certaine congrégation le droit de tenir des régîtres de baptêmes, &c., il a introduit un amendement très nécessaire, par lequel il est dit que les ministres devront prêter le serment d’allégeance, avant de pouvoir jouir de ce droit : cet amendement est d’autant plus nécessaire que des membres de cette Chambre ont dernièrement contesté à un brave citoyen, qui rend plus de services à ce pays qu’ils n’en rendront peut-être jamais, sa qualité de sujet britannique. Jamais fantôme fut-il plus fécond ? C’est le premier, que je sache, qui ait eu l’avantage sur un corps aussi éclairé que cette Chambre. Quant à l’hon. Horatio Gates, en temps et lieu, je saurai le défendre et prouver ce que j’ai dit. Nous avons parmi nous un citoyen respectable, que j’estime beaucoup, qui a aussi refusé de prêter le serment d’allégeance, et dont le frère a été officier dans l’armée Américaine ; (ce membre est M. De Witt ;) et il n’en aime pas moins les Canadiens. Pourquoi a t-on cherché des griefs de tout côté, et se recrie-t-on avec tant de force contre de prétendus abus ? Personne ne nous menace de mettre le feu à la Ste. Barbe. Je viendrai à une autre question, à l’affaire du 21 Mai. Je ne me suis pas encore prononcé sur cette question ; mais j’espère qu’elle sera décidée. En attendant, je me mets en garde contre les pétitions de principes. Sans quoi, qu’est-il besoin d’enquête ? si nous sommes prêts à décider, fesons le tout de suite, sinon donnons le temps à la vérité de percer. Si l’on me soutient le contraire, si l’on prétend préjuger la question, je prendrai la liberté grande d’être d’un autre avis. Quant à MM. O’Connell et Hume, je n’ai voulu rien dire contre le caractère et la capacité de ces