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état de la province.

père changer la détermination de qui que ce soit, mais j’ai lieu de croire que par le conflit des discussions, les membres seront plus en état de se prononcer avec connaissance de cause. Celui qui parle semble toujours avoir raison ; mais on propose de nouvelles résolutions, qui sait si la réflexion n’opérera pas ? qui sait si on ne les trouvera pas meilleures ? si de nouvelles raisons ne renverseront pas celles qui ont été données ? J’entrerai en explication sur quelques paroles dont je me suis servi il y a quelques jours, et qui semblent avoir déplu à quelques personnes. À moins d’intrigues que je ne connais pas, il faut qu’on ne m’ait pas bien compris. J’ai dit, que j’aimais les Canadiens, mais j’ai ajouté qu’ils n’étaient pas les seuls dans ce pays qui eussent droit aux avantages de sujets britanniques. En cela je n’ai dit que ce qui est vrai et juste, et ce que tout le monde connaît. Si je n’ai pas été compris, j’ai dû en souffrir, mais j’espère qu’on me rendra justice. Je puis me tromper quant aux moyens, mais ce que je désire, c’est le bien de tous les habitants de ce pays. Si jamais des distinctions nationales pouvaient avoir des conséquences sérieuses, j’aurais la pénible occasion de prouver quelles sont mes intentions. J’énoncerai en peu de mots, qu’elles sont les matières que j’approuve dans les résolutions de M. Bedard, et que j’aurais soutenues, à la tournure et aux expressions près : le libre contrôle de la chambre sur tous les argens ; la représentation vraie de la population ; la réforme du conseil, en lui donnant une composition plus analogue à l’état du pays ; l’indépendance des juges, et un tribunal d’impeachment pour les y accuser ; la concession libre des terres de la couronne à tous les individus, sans distinction d’origine ni de langage ; l’impartiale distribution des places à mesure qu’elles deviendront vacantes ; je voudrais aussi qu’on abolît la cour de vice-amirauté. (À ces mots, il se fait un éclat de rire.) Des souvenirs ont sans doute arraché cet éclat de rire à mes confrères ; je me sens gré de leur avoir procuré cet amusement ; d’avoir en cette occasion mêlé l’agréable à l’utile, et d’avoir su dérider les plus sérieux et les plus sombres d’entre eux. Mais revenons à la question. Les sentimens que je vais exprimer montreront que ce n’est pas l’exécutif que je crains, quand je m’oppose en partie à la mesure. Je serais disposé à dire que le gouverneur a violé les droits de cette chambre, quand par un de ses officiers, M. Ryland, il a refusé de nous communiquer certains documens ; je serais disposé à dire que M. Stanley n’a pas droit de nous dicter la manière de voter nos subsides : mais je voudrais le dire nettement, franchement. Ce sont là des objets que j’aurais soutenus s’ils n’étaient tellement inextricablement liés à d’autres, qu’ils n’en peuvent être séparés : en sorte que je me vois forcé de voter contre tous. Je m’opposerai toujours à ce qu’on forme des comités permanens, hors de nos sessions, je n’approuverai jamais qu’on fasse des menaces et qu’on adresse des expressions injurieuses à celui qui est le représentant du Roi ; je regarderai toujours comme une mesure impolitique de nous adresser à MM. O’Connell et Hume, pour soutenir nos représentations, sachant qu’ils sont dans la minorité en Angleterre ; et je ne puis m’empêcher de croire que ces comités, ces clubs que l’on prétend former ici, ne seront que des boute-feu de sédition. Tout cela vraiment sent la révolution Française, tout cela sent la force brute. On va plus loin, on va jusqu’à offrir les deniers publics pour maintenir ces associations. Est-il à supposer que le plus jeune des étudians en droit pourrait accéder à de pareilles propositions ? Ceux qui nous les ont soumises sont de bonne foi, j’espère, ils ne voyent pas qu’ils vont tout renverser, tout détruire. Peut-être, mais trop tard voudront-ils arrêter les progrès de leurs doctrines incendiaires. Ceux qui mettent les machines d’un mécanisme en mouvement ne savent pas bien souvent en calculer la force, et une fois que l’impulsion est donnée, ils ne peuvent plus le maîtriser ; il en est de même des agitations populaires. Réveillez l’énergie des masses, et elles s’entrechoqueront ; elles briseront aujourd’hui leur idole d’hier ; et aujourd’hui A est à leur tête, demain ce sera B ; elles auront commencé par le règne de la liberté et de l’union, elles finiront par celui de la terreur et de l’anarchie. Ces sentimens, direz-vous, ne sont pas dans le caractère des Canadiens. Ils n’étaient pas non plus dans celui des Français, leurs ancêtres. Rappelez-vous cependant le règne de ces démagogues sanguinaires, qui ont rempli de cadavres les cités de la républiques, et couvert la France de deuil. Dans le court espace de quelques années, combien de chefs, de factions, de gouvernemens se sont succédés. Les auteurs mêmes de la révolution en ont été les premières victimes. Voilà des considérations que je suis bien aise de rappeler à celui qui a introduit ici ces résolutions, qu’il les ait dressées seul ou non, comme on paraît en douter dans toute la province.

M. Bedard. Je n’en prends pas pour moi seul le mérite, mais je consens à en prendre toute la responsabilité.

M. Gugy, S’il en est ainsi, que l’hon. membre me permette de lui dire qu’il est jeune encore, et de juger sa complai-