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état de la province.

glais à ce sujet, il y a un instant, quand il a évidemment prouvé que nous n’avions pas de leçons à recevoir de lui. Quoi ! ne nous serait-il pas permis de réclamer contre les vexations d’un seul individu, qui nous menace de l’oppression ? se gêne-t-on en Angleterre de censurer les ministres de la Couronne ? Toute fois avec M. Stanley, nous sommes sur la défensive ; nous ne faisons que repousser ses attaques. C’est lui qui sur un ton que nous ne devons pas souffrir, attente à nos privilèges. Je suis surpris que M. Neilson n’ait pas répondu, dans les résolutions qu’il a introduites, à une certaine partie des dépêches de M. Stanley ; je veux parler du droit qu’a cette chambre d’exclure ses membres, et que le ministre nous conteste. Il est étonnant qu’on ait laissé à de jeunes membres le soin de prendre la défense de nos privilèges. Le droit d’exclure ses membres, le droit de maîtrise chez soi, est un droit naturel, qui appartient à tout corps. Les plus petites corporations l’exercent, et elles ne peuvent pas exister sans ce droit, si conforme aux lois de la raison. Il y a encore une raison de plus qui confirme ce droit de la chambre, c’est l’usage constamment suivi par la chambre des communes en Angleterre. On trouve extraordinaire de mettre Lord Aylmer en accusation. N’est-il pas conforme aux lois de la constitution et aux règles du sens commun de se plaindre des injustices que l’on sent, et de faire retomber sur chacun la responsabilité de ses actes ? Nous ne portons point sur nos cœurs une fenêtre, à travers laquelle on puisse lire les sentimens qui nous animent ; il faut que nous soyons jugés sur nos actes, pour ce qu’ils valent. Puisque Lord Aylmer s’est emparé des deniers publics, pour s’en payer lui-même, ainsi que ses favoris, en violation des droits du peuple, il en doit rendre compte. C’est un principe reconnu et qui a fait verser du sang en Angleterre, que celui de ne pouvoir toucher les argents publics sans le vote exprès de la branche populaire. Voilà l’infraction que Lord Aylmer s’est permise contre nos droits, et lui seul en est responsable à nos yeux et doit satisfaire à la justice, quelles que soient les instructions qu’il puisse avoir reçues. Ce droit de pouvoir mettre en accusation l’exécutif, a d’ailleurs été reconnu en Angleterre. Fox ayant observé à Pitt que le conseil législatif dans le Bas-Canada ne serait que l’instrument de l’exécutif, celui-ci répondit que si c’était le cas, le peuple pourrait faire des plaintes et des représentations contre les gouverneurs ; ce qui était admettre le droit de les accuser, droit dont nous prétendons user aujourd’hui. Il faut voir si nous pouvons partager les avantages de l’acte de 1791, quand si souvent l’on nous arrête avec ce fantôme de constitution. Le second reproche que nous faisons au gouverneur est la manière dont il a composé le conseil, surtout en y appelant Mr Horatio Gates, qui n’est pas même sujet britannique. Il est né dans les États-Unis avant l’admission de l’indépendance par l’Angleterre ; et quand il s’est agi de porter les armes contre les États-Unis, il a demandé de s’y retirer, démontrant qu’il n’était ici que pour faire fortune. Le troisième reproche adressé au gouverneur est d’avoir entravé la marche de la législature en nous refusant la communication de divers documens officiels, et principalement les contingens de cette chambre. S’il voulait une session, il devait nous accorder les moyens de la continuer. Nous siégeons en quelque sorte malgré lui. C’est encore un de ces actes dont il est responsable. Il est encore un autre acte qui l’accuse hautement, dont nous devons nous plaindre, et dont il doit répondre : je veux parler de son entremise dans une occasion ou l’on a attenté à la vie des citoyens à Montréal, je veux parler de sa lettre aux officiers de la Couronne, chargés de poursuivre cette affaire. J’aime à croire qu’il avait alors de bonnes intentions ; mais les conséquences en ont été funestes, et c’est lui qui les a voulues et qui en répond. Il écrivait à ces officiers, veillez à ce qu’aucune mesure illégale ne soit mise en œuvre pour compromette les militaires. Il ne pouvait pas dire formellement : sauvez les militaires par tous moyens ; il n’y a point d’hommes publics qui auraient pu se résoudre à signer une pareille lettre. Mais en ne s’expliquant qu’indirectement, il savait qu’il pourrait être entendu. La lettre était portée à un solliciteur général accoutumé à entendre à demi-mot. Il devait insister devant les juges à ce que les accusés donnassent des cautions ou fussent envoyés en prison : il ne l’a point fait. Toutes les formes de procédures ont été renversées. C’était l’usage de ne faire entendre devant les grands jurés que des témoins à charge ; on en a fait entendre à décharge, ce qui n’avait jamais été fait auparavant. Voilà quelles ont été les conséquences de cette lettre. Les juges en outre n’ont pas voulu permettre à la partie privée qui accusait, de se faire entendre, malgré qu’on puisse citer plusieurs cas où le contraire ait été permis. Une autre injustice faite en cette occasion, est d’avoir élargi M. McIntosh après sa seconde arrestation, sans en exiger de cautionnement. Je citerai le cas d’un individu en Angleterre, qui après avoir été acquitté par un petit jury, fut arrêté de nouveau sur le warrant d’un magistrat. Cet individu ayant démontré qu’il