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état de la province.

puisse leur faire désirer des événemens qui devront être funestes. M. Lafontaine, connaissant mieux que moi la valeur des mots dans le français, me dira sans doutes, ce que veut dire cette allusion qu’on fait aux forces et à la révolution de l’Amérique. Si l’on ne veut pas faire entendre que l’on ferait comme les États-Unis, quel sens cela a-t-il ? Le temps viendra indubitablement, où nous deviendrons indépendans ; ce Pays sera le centre d’un grand empire. Mais ils ont tort, ceux qui veulent hâter ce moment : les États-Unis ne nous envieraient-ils pas nos beaux fleuves, et souffriraient-ils que nous fussions indépendans auprès d’eux ? Avec le Mississipi, et l’Ohio, il leur faut encore le St. Laurent pour arrondir leur domination. Il est impossible de se cacher que nous deviendrons libres ; mais si pour parvenir à cet ordre de choses, il nous fallait passer par la guerre civile et tous les maux qui en sont la suite, ceux qui s’affligent si profondément et avec tant de raison, de la mort de trois de leurs concitoyens, seraient-ils insensibles à la désolation universelle dont ils seraient les témoins, dont leur cœur leur rappellerait sans cesse qu’ils sont la cause ? Si d’avance ils étaient convaincus de toutes ces scènes de désordre et de carnage, n’aimeraient-ils pas mieux souffrir mille fois la mort, que d’en être les auteurs ? Quant à l’amour de la Patrie, quant au salut de la République, c’est un sentiment universel : personne ne veut être esclave ; tout le monde veut servir son Pays. Je veux aussi moi faire la guerre : mais c’est la guerre aux abus, et aux griefs. Je voudrais améliorer notre constitution, je ne voudrais pas la détruire. L’idée ridicule d’un système républicain en Canada n’existe que dans la tête de ceux qui auraient espoir d’en tirer parti. Qu’on nous cite donc une république parfaite et tranquille ; même la petite République de St. Martin en Italie, qui existe depuis si longtemps, n’est pas exempte de cabales et d’agitation. Je crois donc que la réforme de nos abus serait la démarche la plus avantageuse au Pays. Je dois rendre justice à M. Lafontaine, pour les expressions dont il s’est plaint. Je suis persuadée qu’il n’a jamais eu envie ni cherché de places ; je ne m’étais pas adressé à lui non plus : je m’étais servi des paroles dont un savant Orateur avait fait une fois usage, dans le Parlement d’Irlande. Je m’arrêterai aussi à un autre incident un peu étrange, parce qu’on y a fait allusion. Né dans le comté de St. Maurice, j’ai dû y avoir beaucoup de relations, et je n’ai pas été privé de croire que je pourrais y être élu peut-être. À la prière de plusieurs personnes je m’y suis donc rendu. Quoique je n’eusse pas raison de croire qu’on pût dire que j’étais anglais, cependant, à la vue même du clocher de ma paroisse, je vis sortir un certain club d’un certain presbytère, qui s’en vint crier et répandre que j’étais anglais ; et j’étais bien anglais, disaient ces gens, puisque je n’étais pas catholique. Par ce mensonge et cette effronterie, ils me firent éprouver une mortification plus déshonorante pour eux que pour moi. L’allusion qui en est faite à ce sujet, et les funestes distinctions nationales qu’on s’est permises ici, m’ont forcé d’entrer sur cette matière. N’ai-je pas raison de me plaindre, moi qui suis né dans ce Pays, qui suis canadien, qui ne me suis jamais éloigné, qu’on ait dit que j’étais Anglais, parmi ceux mêmes au milieu des quels où j’étais né ? Malgré toutefois qu’on m’ait substitué deux hommes que je suppose être capables et zélés ? Voilà la raison qui m’a forcé de vous entretenir de moi un peu plus longtemps que je n’aurais voulu. Il est certain que M. Vanfelson a parlé d’une foule de vieux griefs, si nombreux et si crians, que je suis surpris qu’on les ait endurés. Mais y en a-t-il autant aujourd’hui ? On crie contre le conseil, ne sait-on pas la nouvelle du jour ; ne sait-on pas qu’il vient de concourir dans un Bill qui disqualifie plusieurs conseillers ?

M. Lafontaine : Il paraît donc que les nouvelles sont encore à la guerre. L’honorable membre m’a demandé une explication que je suis obligé de lui donner. Il me demande ce que je pense de la 50e résolution. Je lui dirai d’abord que je n’ai point travaillé à ces résolutions, et que je ne les ait vues que depuis que je suis descendu de Montréal. Si je comprends bien la 50e, je la trouve exacte. Il convenait de mettre sur ses gardes M. Stanley, qui nous fait de si violentes menaces ; et si ce pays doit être un jour un grand empire, comme nous l’a dit M. Gugy il faut l’en informer d’avance. Nous disons que nous désirons rester attachés à la mère-patrie aussi long-temps que possible, aussi long-temps que pourra durer le régime colonial : voilà quel est le sens de cette résolution.

M. Kimber se prononce en faveur des résolutions proposées par M. Neilson. Il observe que le conseil, tel qu’il est constitué, a retardé la prospérité du pays.

La chambre se divise ensuite sur les amendemens de M. Neilson, et ils sont rejettés à une majorité de 52 contre 18.

[M. Neilson se retire ensuite, avec la plupart de ceux qui étaient de son opinion, et déclare qu’il reviendra en chambre avec d’autres amendemens. Dix-huit des résolutions sont ensuite lues et adoptées, et l’on ajourne au lendemain à 10 heures p. m.]


Jeudi 20 Février. — [ Séance du Matin. ]

[ La Chambre en comité général, M. A. C. Taschereau au Fauteuil. ]

Après la lecture de la 25e Résolution, M. l’Orateur Papineau, prend la parole et dit : Avant que cette résolution soit mise aux voix, je crois, M. le Président, devoir donner des détails sur ce dont elle parle, puisque celui à qui il y est fait allusion s’est prostitué à tous les gouverneurs du pays, uniquement conduit par le vif motif du gain. Je dois exposer aux yeux de ce comité quelques circonstances de la vie d’Horatio Gates. Deux membres ont récemment prétendu justifier l’administration, en disant que cet individu avait été régulièrement appelé au conseil législatif ; ils en ont fait la déclaration sur ce qu’il leur a dit, mais ils se compromettaient, puisqu’ils prenaient le parti d’un homme qui s’était rendu coupable de trahison envers sa majesté. Lorsqu’il a été nommé conseiller législatif, il n’était point qualifié par la loi ; il n’était point sujet britannique et n’avait point prêté le serment d’allégeance. Il n’y a que quelques jours qu’il l’a prêté ce serment ; c’est dans le mois de janvier, qu’il a rempli cette obligation imposée par la loi du pays. Dans son zèle brûlant pour récompenser les ennemis de Peuple Canadien, pour remplir des promesses faites par inconsidération, c’est par un crime, et non par une simple légèreté que le Gouverneur en Chef l’a choisi pour être Conseiller Législatif, lorsqu’il aurait dû être exclus de ce corps, s’il n’eût pas voulu insulter le peuple de cette province.

Pendant la dernière guerre avec les États-Unis, il y eut à Montréal un comité du conseil exécutif qui siégea pendant quelque tems. Il se composait de MM. McGill, Panet, Richardson et 2 ou 3 autres ; au commencement ils s’occupèrent pendant quelque tems des réclamations des américains qui se trouvaient à Montréal.