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état de la province.

Toutefois l’hon. M. avoue avec candeur que nous avons le droit d’accuser le gouverneur, mais il ajoute en même temps, qu’il n’est pas prudent de le faire. Pourquoi faut-il qu’il soit accusé ? pour la manière arbitraire dont il a composé le conseil. C’est le peuple sur qui pèse le tort de ses actions, qui devient son accusateur. M. Neilson a remarqué dans une autre partie de son discours, que c’est s’écarter des droits de la constitution, que d’accuser une autre branche de la législature : voilà donc une contradiction dans ses propres doctrines. Il ajoute aussi que c’est entraver la marche du gouvernement. Dans une circonstance bien minime auprès de celle-ci, lui-même a consenti a entraver la marche des affaires, quand un gouverneur refusait de confirmer le choix que la chambre avait fait pour son Orateur. Il était un de ceux qui criaient hautement qu’il ne fallait pas sacrifier un privilège, et qu’il fallait forcer le gouverneur à recevoir l’homme du peuple. Cette chambre manquait-elle alors d’hommes capables d’être Orateur ? Qu’est-ce qui l’engagea donc à adopter cette démarche ? La raison en est claire, c’est que dans un temps on a des convictions, et dans un autre on en a d’autres. L’hon. M. s’attache particulièrement à l’adresse de 1831, et a la réponse qu’elle nous a valu. Le premier chef de cette dépêche a rapport aux biens des Jésuites. Y a-t-il de violation plus flagrante de la justice que cette partie de la dépêche de L. Goderich ? Quoi de plus odieux que de reconnaître notre droit de propriété sur ces biens, et de dire : je ne consens à vous les rendre qu’à condition que vous m’indemnisiez, que vous me payiez ? On nous dit encore, ne devez vous pas être satisfaits ? le conseil a concouru dans un bill de milice ; comme si en 1828 nos agens n’avaient eu d’autre mission en Angleterre que de demander un bill de milice. Une autre contradiction de l’hon. M. est de nous dire que nous devrions nous contenter des promesses du ministre, et d’avouer ailleurs que le pays est dans un état ruineux pour tous les partis. Certes, cette contradiction là du moins est palpable ; cet argument n’est pas même spécieux. Nous avons, il est vrai, une loi pour les jurés. Cependant l’époque est-elle éloignée où ceux qu’a amollis le soleil du château St-Louis, ont fait une tentative, dans une assemblée tenue à la Bourse de Québec, de nous ravir cet avantage ? M. Neilson a-t-il réclamé contre cette injustice ? non, il ne l’a point osé. On avoue que ceux qui sont depuis longtemps dans le conseil, sont de la vieille école ; mais parmi les nouveaux conseillers, quels sont ceux de la nouvelle ? Qu’on nous les nomme donc. Il est vrai qu’il y en a quelques-uns, mais associés comme ils le sont, il serait à souhaiter qu’un acte leur permît résigner. Si l’on demande à réformer cet état de choses, on crie à la révolution ! Mais n’a t-on pas crié de la même manière en 1810 ! Ceux qui proposèrent d’exclure les Juges de la chambre furent traités de révolutionnaires. Ceux qui plus tard ont voulu régler les appropriations d’argent, ont aussi été appellés des révolutionnaires par les Cartaginois de ce temps-là ; cette accusation s’est renouvelée dans tous les temps. Je crois que tout considéré, ceux qui aiment le Pays, et veulent son bien, ne peuvent avoir aucune difficulté à voter ces résolutions. J’avoue que je sens un plaisir secret de voir, qu’elles ont été présentées par le fils de celui qui défendit si bien la cause de la patrie. Si ses cendres ne reposaient pas dans la tombe, s’il vivait encore, il sympathiserait vivement avec nous ; il ferait peut-être entendre sa voix, non pour demander un conseil électif, mais pour en demander l’entière abolition. Cet homme était un véritable apôtre de la liberté. Je ne vois pas de nécessité d’occuper plus longtemps l’attention de cette chambre.

M. Gugy. J’ai pris plaisir entendre à l’hon. membre, qui vient de s’asseoir, répéter quelques parties du discours que j’eus l’honneur d’adresser hier à cette chambre. Je ne me rappelle pas s’il a été bien correct dans ses citations, mais je regrette qu’il ne m’ait pas répondu dès hier, parceque, parlant sur l’impression du moment, et m’étant laissé emporter dans la chaleur de la discussion, j’aurais pu profiter de son commentaire et corriger plusieurs inexactitudes dans mon style. Ordinairement c’est M. l’Orateur qui se défend lui même ; je vois aujourd’hui le contraire. C’est M. Lafontaine qui prend sa défense : l’Orateur lui en saura bon gré, je suppose. Je ne m’étendrai pas dans de plus longues observations à ce sujet ; je suppose que M. Papineau saura reprendre ses droits. J’appellerai encore l’attention des membres à la 50e résolution, qui, dans la stricte valeur des mots, va à dire : faites ce que nous vous demandons, ou attendez-vous à nous voir nous raidir contre vous, et imiter l’exemple des États-Unis. Les termes de cette résolution sont formels. (Il la lit.) N’est-ce pas là une déclaration de guerre ? De qu’elles autres expressions se servaient les Américains, quand ils se sont révoltés, eux qui étaient si bien gouvernés ? Nous qui sommes bien plus mal gouvernés qu’eux, nous avons sans doute de plus fortes raisons de prendre leur démarche ? En bonne foi, est-il prudent d’adresser un pareil langage à la Mère-patrie ? Quelles sont les ressources du Pays ? et quand on ne voudrait pas recourir à ces moyens extrêmes il n’en est pas moins vrai que ces résolutions devront exciter des soupçons par rapport à la loyauté des Canadiens. Je nie pourtant qu’on y ait exprimé leurs vœux et leurs sentimens. Il n’y a que de fréquens appels aux passions, des intrigues, et des menées, qui