Page:Chambre d'assemblée du Bas-Canada, vendredi, 21 février 1834.djvu/43

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
état de la province.

de d’une convention fût la première démarche à faire. Maintenant qu’il n’y a pas d’autre mesure à prendre, je me fais un devoir de la soutenir. Nous ne disons rien autre chose à l’Angleterre, que nous voulons une réforme, et que si elle doute que ce soit les vœux du peuple, qu’elle en appelle à lui. On rejette une ou deux résolutions, comme contenant des idées de républicanisme ; on nous accuse de vouloir faire des distinctions nationales, et inonder le pays de sang pour soutenir nos propositions : et en preuve de ces allégués, on cite la 49e et la 50e résolutions. Or je le demande, n’expriment-elles pas ce qui est senti par tout le pays ? La dépêche de M. Stanley menace de porter atteinte à nos droits. Faut-il nous soumettre aveuglément, ou bien prendre une position ferme et libre, et lui dire qu’il ne trouvera pas parmi nous des hommes prêts à porter son joug ; ni à être ses jouets et ses instrumens ? Il vaut mieux que ce soit M. Stanley, qui nous ôte notre liberté, plutôt que de consentir nous à la lui abandonner. L’hon. M. n’a pu s’empêcher d’approuver la résolution de la chambre relativement à l’élection de Montréal : eh ! bien, la 50e, qui selon lui doit inonder le pays de sang, est comme celle-là, une conséquence des menaces de Mr. Stanley. Quelle doit être notre réponse ? Celle même de MM. Stanley et Fox : « Que le seul moyen de rendre les colonies heureuses et contentes, est de ne leur laisser envier rien aux États voisins. » Il est temps qu’on fasse entendre cette vérité en Angleterre : Vous pouvez gouverner comme vous voudrez ; vous avez la force en main : mais sachez que, sous moins de vingt ans, la population des États-Unis de l’Amérique sera autant ou plus grande que celle de la Grande-Bretagne ; que celle de l’Amérique Anglaise sera autant ou plus grande que ne l’était celle des ci-devant colonies anglaises, lorsqu’elles décidèrent que le temps était venu de décider, que l’avantage inappréciable de se gouverner au lieu d’être gouvernées, devait les engager à répudier un régime colonial, qui fut, généralement parlant, beaucoup meilleur que ne l’est aujourd’hui celui de l’Amérique Anglaise. » Nous devons rappeler à l’Angleterre qu’il est un temps où les colonies deviennent majeures, et doivent se gouverner elles-mêmes : c’est même un principe qu’on y a reconnu. Toutefois on peut éloigner pour nous cette époque, en nous donnant un bon gouvernement. C’est pour cette fin que nous demandons une réforme ; et quand il faudra nous séparer de la mère patrie, pour devenir ses alliés, nous pourrons le faire sans efforts et sans boulets. Je me réserve à m’étendre sur chacune des résolutions, lorsque le temps en viendra. En attendant, je suis d’accord avec M. Gugy, qui dit, qu’il attache un grand poids à l’opinion de M. Neilson ; et je lui citerai aussi l’opinion qu’il a émise au sujet du conseil, lorsqu’il avait été envoyé comme agent en Angleterre. Il a maintenu devant le comité des communes qu’il n’y avait que deux modes de réformer le conseil, par de bons choix, ou par le système électif. Il est vrai que ce n’est que son opinion individuelle ; (M. Neilson soutient qu’il ne l’a pas dit dans ce sens,) et s’il ne l’a pas dit dans ce sens, nous le dirons nous. (M. Bedard lit le rapport du comité de la chambre des communes, où se trouve cette Opinion de M. J. Neilson. Voir ce rapport.)

M. Neilson. Je conviens que j’ai dit que le système électif serait un moyen de réformer le conseil ; mais j’ai ajouté qu’il serait contraire à la constitution. Qu’on lise toute ma réponse, et l’on verra ce qui en est. Il n’y a pas de franchise à citer ainsi une réponse par partie, pour la mal interpréter.

M. Papineau : L’hon. membre ne croit pas sans doute que son opinion, méchante ou bonne, doit enchainer cette chambre. Il nous est permis de citer partiellement ses propres paroles, qui sont extrêmement verbeuses. Elles sont devenues un document public, et il n’a pas le droit de se plaindre que nous nous en servions, au moins pour ce qu’elles nous paraissent contenir de bon et de juste, et que nous ne citions que cette partie que nous croyons mériter l’attention. S’il répudie aujourd’hui ses propres doctrines, elles sont écrites, et elles sont les mêmes pour nous. Il m’a dit lui-même, que s’il n’avait pas demandé le système électif pour le conseil, lorsqu’on lui avait demandé son opinion à ce sujet, c’est que les requêtes n’en parlaient pas ; qu’il craignait d’outrepasser son mandat, et qu’en effet on ne lui tendît un piège ; cela seul l’avait arrêté. À son retour plusieurs de ses amis lui ont exprimé de vifs regrets, que sa timidité l’eût empêché de faire cette demande, et adopter sur ce sujet l’opinion de son collègue, M. Viger. (M. Neilson nie que M. V. lui ait exprimé cette opinion.) M. Viger m’en a parlé lui-même ; et M. Neilson m’a déclaré, en présence de plusieurs amis, qu’il avait craint qu’on ne lui reprochât que ces notions ne fussent trop républicaines. Et quand il répudierait ses propres doctrines, elles n’en seraient pas moins bonnes pour cela. Ce n’est pas parceque Platon a dit la vérité, mais c’est parce que la vérité est bonne en elle-même, qu’il faut la rechercher. Il faut lire les témoignages de l’hon. membre devant le comité, pour voir combien il était alors ami des idées libérales, et avec quelle force il parla contre les abus. Ils n’étaient pourtant pas ce qu’ils sont aujourd’hui. Le sang n’avait pas coulé dans les rues ; on n’avait pas ordonné à un solliciteur général de sauver des meurtriers, et de soumettre à des militaires le pouvoir judiciaire. Depuis ce temps les militaires ont dominé dans ce pays ; et cela est-il un abus moins grand que ceux pour lesquels l’hon. membre avait été envoyé en Angleterre ? Il y a aujourd’hui des causes bien plus pressantes et bien plus nombreuses, qui nous portent à demander une réforme. Si depuis ce temps M. Neilson est resté stationnaire, si même il a fait une marche rétrograde, doit-il être surpris de ne se trouver pas avec nous ? Au reste, lui et moi, nous sommes près de disparaitre de dessus la scène. Nous nous sommes trouvés dans des temps difficiles ; et bientôt nous devons céder la place à de jeunes compatriotes, capables et zélés, qui arrivent avec la force et la vigueur de l’âge. Ils sont à la veille de nous dévançer, mais ne leur reprochons pas de le faire. Nous leur avons peut-être applani des difficultés, et leurs succès seront les nôtres. Il n’y a pas de doute que la marche de cette chambre ne soit progressive. C’est en hâtant ses progrès, que l’hon. membre pour le comté de Québec avait eu le mérite de remplir son devoir, s’était vu accueilli avec tant d’enthousiasme, et appelé le Franklin du Canada.