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état de la province.

Quant aux règles de pratique, je conçois que Mr. l’Orateur n’est pas qualifié à en décider. Elles contiennent du bon et du mauvais. Je serais certainement prêt à voter sur plusieurs résolutions à ce sujet. Quant à la constitution, je conviens aussi qu’il faut une réforme ; mais sans précipitation, sans l’étourderie de la jeunesse, avec réflexion et prudence, Mais la suite de ces résolutions incendiaires, sera qu’on n’en aura point du tout. Le système proposé tournera peut-être à l’avantage de ses auteurs, et voilà tout. Peut-être même le système électif pourrait être bon, vu que la corruption est rare dans nos élections. Mais n’est-il pas contradictoire avec les institutions de la Mère-Patrie ? Nous avons aujourd’hui entre les mains une dépêche, que j’ai prédite, au sujet des résolutions de l’année dernière, contre lesquelles a voté l’hon. membre pour le comté de Montmorency, qui vient lui-même aujourd’hui avec des propositions dans le même sens. Cette dépêche, dit-on, contient de dures menaces. Qu’avons-nous fait de notre côté nous, qui avons refusé ce que nous offrait le Roi par la dépêche du Lord Goderich ? Toutefois je suis persuadé que le Conseil Électif aurait ses inconvéniens. Dans un pays où l’on voit l’Orateur d’une des branches de la Législature en appeler si souvent aux passions, et où se trouve une majorité des habitans d’origine française, si le Conseil était électif, qu’est-ce qui représenterait nos co-sujets qui viennent d’Angleterre, qui ont les mêmes droits que nous et sont Canadiens comme nous ? On aurait un Conseil et une chambre, qui seraient mus par les mêmes sentimens, par des sentimens comme ceux déjà énoncés, quand on a fait un crime à un fonctionnaire public très respectable d’avoir un nom Anglais, et que pour cette raison on a voulu destituer. Quelle confiance pourraient avoir une partie de la population dans deux corps ainsi constitués ? Il est clair que la suite de ce système serait fatale aux uns et aux autres. Peut-être les Anglais, peu nombreux, seraient-ils abattus ? Peut-être aussi, excités par les expressions que l’on emploierait contre eux, les verrait-on se roidir et forcer la majorité de les écraser. L’hon. Orateur sera-t-il content alors ? lui, dont le sang de trois individus a tant excité la sensibilité, croit-il qu’il en serait moins versé alors ? et de quel œil le supporterait-il ? Je ne vois pas dans le Conseil un corps qui soit un opprobre, mais qui a servi et servira bien des fois d’échec à l’effervescence des passions qui règnent quelquefois dans cette chambre. Si les Rois ont leurs flatteurs, les peuples ont aussi les leurs. N’est-ce pas une flatterie, faite au peuple, que de chercher à lui donner des institutions plus démocratiques que les nôtres ? Ces flatteurs du peuple veulent lui faire croire qu’il est malheureux, quand il est heureux. Ce sont des flatteurs de mauvaise foi, qui le perdent ; ce sont des gens qui font métier de politique pour leur propre intérêt, et qui n’ont en vue que leur agrandissement personnel. Je suis incapable pour le moment d’entrer dans une discussion plus étendue sur le sujet qui est devant nous, mais je puis dire quel en sera la conséquence. Je partage jusqu’à un certain point les idées de l’hon. Orateur quant au bonheur et à la splendeur des États-Unis. Je les ai vus, et je désire pour mon pays l’époque qui lui donnera les mêmes avantages, sans espérer de la voir jamais. Néanmoins le désir qu’a le Haut-Canada de faire occuper ses terres par l’émigration, qui passe sur notre sol, pourrait bien le mettre en lutte avec nous, et quand le peuple de cette colonie voudrait devenir républicain, il ne l’oserait pas, ayant un autre peuple opposé derrière lui. Je dis en outre, que les notions républicaines détruiraient plus vite l’union de l’Angleterre et du Canada, et amèneraient bientôt à leur suite une révolution. Ce peuple qui aime tant à conserver sa religion, la conserverait-il mieux uni avec un peuple qui la traitait d’impie et de blasphématoire ? Sous ces circonstances, il vaudrait mieux encore souffrir notre conseil législatif. Les Canadiens sont heureux, contens, paisibles. Nous, grands hommes, nous sommes sujets à l’ambition et aux mécontentemens. Nous souffrons de voir occuper par un autre, une place à la quelle nous aspirons. Mais comment le peuple, dont les neuf-dixièmes sont agricoles, souffre-t-il des petites injustices, et des cabales que font la chambre et le conseil ? Et puis, au reste, il en est de certains hommes publics comme des maris jalous : ils voyent partout ce qui n’est pas. Je suis donc persuadé que ces mesures ne conviennent pas, parce qu’il n’y aurait que l’hon. Orateur et quelques autres de ses amis, qui en profiteraient. Les États-Unis sont assez tranquilles, en vertu de leur isolement de toute autre puissance. Cet empire cependant n’est encore qu’un essai. Cinquante huit ans d’existence n’est rien dans l’histoire des empires. Nous pouvons réformer notre constitution, mais non pas l’abandonner pour en adopter une qui renferme même les germes de sa destruction. S’il faut voter aujourd’hui les résolutions, je dois voter contre. Si l’on nous accorde quelque temps, il en est plusieurs pour les quelles je voterai, et je promets aussi d’en préparer quelques-unes de mon côté. Quant à la première résolution il n’y a pas de difficulté à la voter ; mais à quoi sert de dire d’un côté que le peuple Canadien est loyal, si de l’autre la chambre déclare qu’elle veut faire la guerre ? Insister à avoir une décision aujourd’hui, c’est dire adoptez tout, ou rejetez tout. Il y a néanmoins des résolutions que j’approuve, parmi d’autres que j’ai montrées être fausses. Je ne puis approuver la dépêche de M. Stanley relative à l’élection de Montréal. La chambre a le droit de présider à sa composition, et de recevoir qui elle veut. (M. Stuart le nie.) J’en suis content, Mr. le Président ; cela prouvera que je ne regarde ni à droite ni à gauche : que tout ce que j’ai dit est conviction chez moi, et que mes paroles sont l’expression de mes sentimens. Mes yeux physiques sont mauvais, ceux de mon intelligence ne sont peut-être pas meilleurs, mais j’avais cru que ces résolutions seraient tempérées, venant d’un homme qui l’année dernière était opposé a un conseil Électif. Je me suis trompé. Sous ces circonstances, j’en appelle à M. Bedard lui-même, qui nous avait promis de ne nous faire entrer en comité que pour en sortir, afin que je puisse avoir le temps de lire au moins les résolutions, et de me décider. C’est ce que j’attends de l’honneur d’un gentilhomme Canadien.

M. Bedard : Je dois répondre à cet appel, comme j’ai répondu hier. Pour ma part je suis prêt à voter ces résolutions, mais je ne veux presser ni prendre personne par surprise. Il n’a pas dépendu de moi qu’on n’entrât pas aujourd’hui en discussion, mais bien de l’hon. membre pour le comté de Sherbrook, M. Gugy, qui lui-même s’est emparé de la question, et a fait des remarques sur plusieurs résolutions. Après l’avoir entendu parler de guerre, de boulets et de sang, je ne m’attendais pas qu’il m’associerait avec l’hon. Orateur. Je l’assure que, quand il voudra me faire plaisir, il me dise que j’ai suivi les opinions d’un homme aussi éclairé et aussi justement célèbre. On me reproche d’avoir changé d’opinion depuis l’année dernière. Je ne croyais pas alors, que la deman-