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état de la province.

contre les menaces et le ton du Secrétaire Colonial, M. Stanley, et qu’est cela auprès des discours de M. Papineau, et de résolutions qui comportent la menace de se joindre aux États-Unis ? On me dira peut-être, vous ne comprenez pas encore ces résolutions. Il est vrai, je n’ai malheureusement pas les moyens de l’hon. Orateur, et de ses amis, qui les travaillent depuis bien longtemps. Elles ne m’ont pas coûté tant de veilles qu’à eux. Néanmoins, j’ai mes affections dans ce pays. Par mon travail j’ai gagné une honnête fortune, je me suis rendu indépendant, et plus indépendant que ces patriotes mendians, qui font métier de politique, et vivent de patriotisme. Mes services toutefois sont moins grands que les leurs, mais aussi ils sont moins bien payés. Cependant ces résolutions, qu’ils nous présentent comme le fruit de tant de recherches, sont un chef d’œuvre de démence. Les Canadiens j’en conviens, sont vertueux, loyaux ; mais que deviendra leur vertu, si de telles mesures, proposées par des têtes chaudes, précipitent le pays dans une lutte avec l’Angleterre ? Les bienfaits de la mère-patrie envers eux sont écrits en gros caractères. Elle leur a conservé leur religion, quand les Washington et les Franklin lui reprochaient de favoriser dans ses colonies du Canada, un culte impie et blasphématoire. Voilà les expressions dont on se servait aux États-Unis à la suite de la révolution, pour qualifier le culte de mes compatriotes. Et ce sont ces Américains, qui sont les modèles de l’hon. Orateur, et dont il affecte de faire de si grands éloges. Depuis ce temps, nous avons eu tous les avantages de sujets Britanniques, constitution, presse libre, procès par juré &c. Mais dira l’hon. Orateur, cela a-t-il été bien exécuté ? et il en viendra aux oreilles coupées. Quelle est la cause de nos maux ? À qui faut-il les attribuer ? aux administration et non pas aux institutions. Qu’on se rappelle qu’au temps de la conquête, les hommes marquans d’alors répudièrent les Anglais, et se retirèrent dans leurs terres. Il fallut pourtant avoir des hommes capables de remplir les places ; et jusqu’en 1806, le manque d’hommes dans le pays qualifiés pour les fonctions publiques, s’est fait sentir beaucoup ; de là la nécessité de recourir à des étrangers, et de les élever à tous les postes d’honneur, de les mettre dans le Conseil. On nous dit que la minorité des membres du conseil n’y veulent pas siéger. Eh bien, c’est à ceux qui pouvant s’y trouver, se sont absentés, que nous devons attribuer l’adresse du conseil de l’année dernière. Il y a là parmi les anciens membres, des hommes de la vieille école, qui ont de vieux préjugés, dont ils ne peuvent se défaire. Ceux qui pourraient opposer ces préjugés, et qui ne le veulent pas, sont la cause de nos maux. S’ils eussent été présens l’année dernière, ils auraient pu protester contre cette adresse si injurieuse. Mr. l’Orateur s’indigne des petits bills qui ont été proposés pour réformer le conseil. Ce langage est celui d’un médecin à qui l’on apprend que son malade est pire, et qui répond tant mieux. On lui dit : La maladie augmente, c’est bien ; le malade est à l’agonie, c’est encore mieux ; le malade se meurt, ah ! tant mieux, tant mieux ! Il semble qu’il veuille tout voir s’écrouler, pour avoir le plaisir de le refaire. Je souhaite qu’il le fasse bien, mais certes je crains fort. — On me dit que je n’ai pas à faire un apprentissage, que je sais fort bien ce dont il s’agit. Pour ma part je veux lire et étudier ces résolutions. Néanmoins, je citerai deux faits qui sont controuvés, sans fondement. Dans une des résolutions on fait dire à J. Neilson, Écuyer, qu’il a préféré pour ce pays un conseil électif, quand il fut interrogé devant le comité de la chambre des communes en Angleterre. Qu’on lise le rapport du comité, et l’on verra qu’il n’a parlé d’un Conseil Électif qu’hypothétiquement. Je n’ai pas l’honneur d’être en relation intime avec cet honorable membre ; mais j’attache beaucoup d’importance à ses opinions, et je serais fâché qu’on lui en attribuât de fausses pour accréditer des principes que je réprouve. Il est encore un autre fait erroné, qui a rapport à un homme que l’on prétend, je ne sais avec quel fondement avoir porté le bâton, quoiqu’il ait refusé de porter le mousquet. Ce fait tel qu’énoncé dans la résolution, lui conteste sa qualité de sujet Britannique. Néanmoins il est certain qu’il est d’origine Anglaise. Je veux parler d’Horatio Gates. Il est vrai qu’il a prêté le serment d’allégeance, mais ce fait n’exclue pas l’autre, et pour cela j’en appelle au bon sens des membres de cette chambre. Il est possible qu’il réclame contre un procédé de cette nature. Peut-être aura-t-il l’occasion d’établir un fait que je tiens de lui même. Par suite de cette doctrine : « ôte-toi que je m’y mette, » l’hon. Orateur prend un moyen, que prenait Don Quichotte qui se battait avec des moulins. Mais il est vrai, l’Orateur de la chambre a un avantage sur Don Quichotte ; c’est que celui-ci se battait avec des moulins qu’il trouvait tout faits, au lieu que le premier les fait et les combat : il a au moins sur Don Quichotte le mérite de l’invention. Ces moulins de l’hon. Orateur, c’est le conseil législatif recomposé tel qu’il est aujourd’hui, des actes duquel il forme une foule immense de maux, qu’il attribue toujours à ceux qui ne sont pas de son opinion. N’avons-nous pas assez de griefs ? Pourquoi en chercher de nouveau ? Nous ne souffrons que trop par suite des divisions de partis, sans les augmenter encore par des distinctions et des crimes supposés. On a dit que les Anglais d’origine sont peu nombreux ici. Les Canadiens d’origine française ne sont pas les seuls toutefois. Je conviens qu’ils sont vertueux, je leur donne ce qui leur appartient, je suis prêt à prendre leur défense dans les occasions ; mais je ne crois pas que je doive être en butte à la persécution, si j’ose croire que tous ceux, qui ne pensent pas comme l’hon. Orateur, ont des droits comme habitans de ce pays. Je le répète, les Canadiens ne sont pas les seuls dans cette colonie, et moi-même je ne suis pas Canadien, si l’on restreint ce nom à ceux qui sont d’origine française. Mais c’est une idée de distinction qui n’entre pas même dans la tête des habitans de nos paisibles campagnes. C’est une idée de trouble et de dissension qui n’est née que dans cette chambre. Et les conséquences funestes qui en résulteront, nous vivrons assez pour les attribuer à l’hon. Orateur. Qu’en ne m’accuse pas d’oublier mon serment de défendre la cause du pays : mon serment est celui d’Annibal, et je préfère être exposé aux traits de plusieurs, plutôt que de ne me pas prononcer, quand l’intérêt et le sentiment du pays l’exigent. Il y a un autre fait sur lequel j’ose dire que je suis plus à portée de juger que M. Papineau, c’est l’administration de la justice. Elle a perdu entièrement la confiance du peuple, et je suis un de ceux qui ont pris une grande part à en démontrer les défauts. J’espère aussi que la chambre y apportera des remèdes.