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état de la province.

quand elle est appuyée sur des idées de ses plus grands hommes d’État ; et que pour la première fois on a osé nous faire des menaces. La chambre est un théâtre assez élevé, pour que la vérité se fasse connaître ; et qu’une poignée d’hommes du pouvoir ne puissent étouffer les plaintes et les remontrances de tout un peuple, et empêcher des remèdes qui mettront fin à nos maux, et feront de tous les colons un peuple de frères, et leur donneront des motifs de se lier ensemble. Les distinctions, les privilèges, les haines et les antipathies nationales, tout cela sera détruit. La législature au lieu de s’occuper d’accusations et de débats politiques, n’aura en vue que des objets de législation utile. Le but et l’ambition de tous sera le bien commun. En finissant, je rappellerai aux membres que l’acte de 1791 ne fut qu’un assai de M. Pitt, et que malheureusement cet assai a été funeste.

M. Gugy : M. le Président, une foule d’accusations vagues et hazardées, une multitude d’expressions peu mesurées et injurieuses, l’exagération dans les sentimens, les erreurs dans les faits, qui se trouvent dans le discours de l’hon. Orateur, me forcent à élever ici la voix, et à lui répondre. Je n’entreprendrai pas de le suivre dans toute cette longue chaîne d’argumentations, soignées et travaillées depuis longtemps, renfermant une foule immense de considérations, dont les unes, pour lui rendre justice, sont vraies et lumineuses, et beaucoup d’autres pernicieuses et désorganisatrices. Je n’entrerai pas non plus sur le mérite des résolutions. Au moment qu’il a commencé son discours, j’étais dans une chambre de comité, listant les résolutions, et peu s’en est fallu que je n’aie eu la satisfaction de l’entendre. Au moment même où je vous adresse, M. le Président, je ne les ai pas encore toutes lues, ces résolutions, en sorte que je ne puis pas même dire positivement si je voterai pour ou contre. Mais il y en a une ou deux que je dois signaler, et qui ne rencontreront jamais mon appui. Elles contiennent des doctrines nouvelles pour ce pays, et qui lui deviendront fatales. D’après ce que j’avais lu de menaces et de déclamations, dans les papiers publics, je me doutais que les résolutions seraient violentes, emportées, énergiques, mais je ne croyais pas qu’elles le seraient jusqu’à la démence et l’exaspération. Dans la 49me et 50me résolutions, il est clairement expliqué que, si l’on ne veut pas faire comme on le demande, on veut la guerre, et l’on en appelle aux États-Unis. Il est vrai, il y a des guerres de toutes sortes : il y a des guerres de boulets et des guerres de paroles. Si l’on ne veut parler que de ces dernières, on aurait dû nous l’expliquer. Ce serait le cas de citer le texte mis au frontispice de certain auteur : —

« We’ll blow the villains up sky high,
But do it with economy.
 »

Ce serait un moyen bien plus facile ; car il est dangereux de déclarer la guerre, et de menacer d’en appeller aux États-Unis. Pourtant j’ai promis de ne pas entrer ce soir en matière sur ce sujet, et je ne m’étendrai pas plus loin. Je ne croyais pas non plus que l’hon. Orateur voudrait profiter de l’occasion, user des moyens que lui ont donnés la connaissance de ces résolutions, pour tenter ce soir de capter, comme par surprise, l’assentiment des membres. On nous avait promis le contraire hier ; et j’en appellerai à M. Bédard, le moteur des résolutions, pour qu’il me dise, s’il n’est pas qu’un instrument dans cette affaire, s’il n’a voulu que m’abuser, lorsqu’il m’a assuré que rien ne serait fait aujourd’hui. Je l’avouerai, j’ai voulu avoir l’hon. Orateur pour mon ami. J’ai respecté et suivi ses opinions, quand elles ont été bonnes. Mais si l’année dernière je me suis opposé à changer le Conseil par une convention, je me crois obligé encore cette année à m’opposer à cette partie des résolutions que j’ai lues, en autant qu’elles ont rapport au Conseil Législatif. Comme je l’ai dit, j’ai cherché l’amitié de l’Orateur, j’ai pris quelquefois ses opinions, mais je n’ai pas voulu me donner un maître. Voyant qu’il fallait être tout entier avec lui ou rien du tout et ne l’ayant pas fait, je me suis attendu qu’il fondrait sur moi. Il a parlé aussi du Shériff de Montréal, dont je suis parent ; il a parlé du crime de corruption, qui, dit-il, a sauvé des criminels, qui tôt ou tard devront avoir leur juste punition. Je veux croire que c’est conviction chez l’hon. Orateur ; mais ce n’est pas le jugement de cette chambre. Je ne m’arrêterai pas à des mensonges odieux, qui inculpent ici mon père. Ce père a ses peines, il souffre de voir ici son fils écouter des accusations portées contre lui ; et je souffre moi-même davantage d’être obligé de repousser ces accusations, de dire qu’elles ne sont nullement fondées, mensongères, criminelles et calomniatrices : et quand l’Orateur de la chambre le voudra, j’entrerai en lice et je le lui prouverai. La passion domine quelquefois les hommes publics : c’est cette passion qui leur fait dire : « Ôte-toi que je m’y mette, je veux régner, je veux dominer, je veux occuper le rang de cette misérable faction Anglaise, cette faction poltrone et lâche. » Voilà les sentimens, de l’hon. Orateur, et ses expressions quand il parle d’hommes qui sont morts, et qu’on ne connaît pas : et encore, ce sont ses expressions lorsqu’il parle de griefs. Pour exciter les passions et nous précipiter dans ses écarts, il s’en vient nous parler du peu d’humanité qu’avaient des gens qui sont morts il y a plus de cent ans. Quand je serais prêt à en convenir, je le dirai toujours ; qu’est-ce que cela a à faire avec nous ? Nous coupe-t-on les oreilles aujourd’hui ? nous jette-t-on dans des vaisseaux pourris, ? nous donne-t-on la bastonade ? Y-a-t-il une preuve plus convaincante de notre liberté, que les termes envenimés et insultans dont il se sert contre ce qu’il appelle la Faction Anglaise, quand elle met un frein à ses projets d’agrandissement ? Il est un fait que tout le monde connaît, un fait qui nous a tous affligés, et dont l’hon. Orateur a su tirer un si grand parti pour émouvoir les passions, je veux parler du 21 Mai. Je demande à ceux qui viennent d’entendre cette philippique enflammatoire, que si M. Papineau est aussi violent à Montréal, qu’il l’est à Québec est-il bien difficile de s’expliquer le 21 Mai ? Je dirai que les passions d’un homme qui croit que tout est fait pour lui, que le soleil et la lune ne luisent que pour lui, sont dangereuses et funestes. On nous parle de la confusion mise dans nos lois, et pour cela on veut tout bouleverser. On crie