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état de la province.

donné des institutions libres, l’ont fait en vue des progrès de la liberté dans les temps modernes. Par cette heureuse prévoyance, elles ont détruits ces germes de commotions violentes, et ces grandes catastrophes, qui ont désolé les vieilles monarchies, et les ont fait sortir avec tant de peine de l’état de stagnation, où les avait engourdies l’ancien régime. De nouvelles doctrines se sont répandues avec l’éducation, et elles se sont trouvées plus ou moins contradictoires aux principes politiques des gouvernemens. Quelles en ont-été les conséquences ? C’est que les mœurs ont changé, et que les gouvernemens, en bien des places, n’ont point changé, et sont restés en arrière : de là aussi toutes ces convulsions révolutionnaires, qui ont ébranlé l’Europe. Mais, quelle a été la marche des États-Unis ? à mesure que de nouvelles conventions ont été formées, tout a tendu vers la démocratie. Il est donc de la nature des choses que sous un gouvernement, où l’influence de la naissance est détruite, où est peu de chose l’influence des fortunes, qui ne peuvent être grandes, parcequ’on y a défendu les substitutions, par le moyen desquelles se fait la transmission des grandes propriétés ; il est donc naturel, dis-je, qu’il n’y ait point de classes privilégiées, et qui aient des titres particuliers au respect. La magistrature qui seule pourrait y ennoblir, est le corps représentatif choisi par le peuple. Or est-il possible que des luttes puissent voudrait avoir lieu entre les corps ainsi nommés par le peuple, et celui qui s’en isoler ? En Angleterre, une simple réforme a donné lieu à tant d’excès et de violence qu’on a dû craindre l’anarchie. Les prétentions du conseil nous conduiraient là, si les abus existaient encore plus longtemps. Sur quoi s’appuie-t-il pour nous opposer ? sur ce que la population d’origine anglaise n’est pas représentée, quand les sept-huitièmes des habitans du pays sont d’origine Française, et qu’un tiers de la représentation se compose d’hommes d’une origine différente. Cela ne satisfait pas son odieuse préférence nationale ! S’il y a du tort dans la force de mes expressions, elles sont pourtant bien faibles pour la vérité de mes sentimens. Un corps qui a invoqué des principes aussi destructifs de nos droits, peut-il avoir des titres à la protection ? Quand il a voulu nous écraser ; quand il a provoqué de justes ressentimens, ces ressentimens doivent rester gravés au fond de tout cœur vraiment canadien. Si donc tous les changemens dans cette partie du monde ont tendu à établir le système démocratique, et que ceux des États-Unis qui sont à l’ouest, établis les derniers, sont les plus démocratiques de tous, il est évident que c’est un ordre de choses particulier à l’Amérique, et qu’on n’y peut créer d’aristocratie. Que reste-t-il donc à faire à la Métropole, si elle veut être juste envers nous ? Nous donner un conseil qui convienne au peuple de cette colonie. Il faut donc qu’il soit tiré du peuple, et rendu au peuple qui le jugera à diverses époques ; qu’il ne forme pas une classe particulière, influencée par les autorités au delà de l’Océan, mais qu’il ait ses intérêts ici comme nous. Dira-t-on que ces principes sont nouveaux et inouïs ? Il s’agit de se reporter en Angleterre, depuis Fox jusqu’à Mr. Stanley, pour se convaincre du sentiment, si souvent exprimé, que les institutions qui conviendraient le mieux à notre état, seraient celles qui se rapprocheraient davantage des institutions des États-Unis, notre modèle, et notre étude. Il n’est pas besoin que nous fesions valoir ici ces sentimens. Ils ont été exprimés bien plus éloquemment par Fox et d’autres grands hommes de l’Angleterre, que je ne serais capable de le faire : et ils sont justes, ils sont bons, ils sont vrais ; et nous les adoptons parce qu’ils nous conviennent. Est-il possible que ces institutions ne soient pas les seules qui nous conviennent, et dont nous soyons le plus à portée de juger ? Nous ne connaissons celles de l’Europe que par des livres. Le nombre de ceux qui les ont vues en opération est petit, auprès de ceux qui ont visité les États-Unis, et qui ont pu admirer leurs lois, leur gouvernement, leur industrie, leurs villes et leur commerce. Tout cela fait comprendre que l’influence du gouvernement n’est sentie nulle part plus fortement qu’aux États-Unis, et que l’on ne s’y occupe pas des préjugés et des sentimens que peuvent y apporter les étrangers. Eh, bien ! il est un moyen efficace d’attachement, c’est celui de ne nous plus répondre par des phrases, mais par des effets et des réalités. On a senti que ce temps était arrivé, et Mr. Stanley n’a pu s’empêcher d’avouer qu’il faudrait que nous n’eussions rien à envier aux États voisins, de l’Amérique, et qu’alors le bien en résulterait. Pour retenir les Canadiens, il n’y aurait pas besoin de chaînes, de soldats, de répression. Plus attachés à la Mère-Patrie, sous un gouvernement libre, ils auraient tous les avantages politiques des États-Unis, et de bien plus grands avantages commerciaux. Pour ces derniers avantages, il vaut mieux encore renoncer à d’autres dont jouissent les Américains, et auxquels on ne veut pas nous laisser participer à cause de notre origine ; et sacrifier pour le commerce quelques droits naturels moins importans. Dans un pays où les 9-10 de la population sont agricoles, et ne prennent presque aucune part au commerce, n’est-il pas juste de demander une réforme, quand les hommes les plus marquans dans la société sont accusés, et qu’il y en a beaucoup d’autres en outre qui devraient l’être ? Sans quoi, peut-on croire que les Canadiens demeureront attachés à un pareil ordre de choses ? Je suis certain qu’il n’y a personne qui me dira qu’il existe quelque confiance dans le conseil et dans l’administration de la justice, et qu’ils n’ont pas abusé de leurs pouvoirs. S’il en est ainsi nous sommes appelés à le dire à l’Angleterre. Il y a dans ces résolutions autant de force dans la vérité des faits que de ménagement dans les expressions. L’Angleterre n’a-t-elle pas droit de connaître ce que sont les corps constitués dans cette colonie ? Il n’y a pas de