Page:Chambre d'assemblée du Bas-Canada, vendredi, 21 février 1834.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
état de la province.

lant, s’en vint ici pour réparer les débris de sa fortune ; et qu’il eut pour successeur un autre noble, qui venait aussi gagner de quoi réparer son vieux château délabré : je commence à douter de ce grand désintéressement de la noblesse anglaise. Des hommes de cette trempe, qui ne sont ici que pour s’enrichir, et qui trouvent des conseillers, qui sont aussi receveurs généraux, et prêts à prendre l’argent, tous se passant les uns les autres des actes frauduleux pour se soustraire à leurs créanciers, de tels hommes veulent des hommes de leur trempe et de leur pâte, qui diront que tout est bien, que tout est bon, puisqu’ils en profitent. C’est un ordre de choses qui a régné et qui règne encore plus que jamais. Il n’y a jamais eu d’administration plus ignorante et plus méprisée que celle d’aujourd’hui. Et, je le demande, quel est le plus faible des gouvernemens, celui qui s’est attiré la haine, ou celui qui est tombé dans le mépris ? Des chansons peuvent autant contre lui que des boulets et des épées. Depuis 1810, la Législature a pris une nouvelle forme : c’est parceque les lois avaient été foulées aux pieds, que chacun, voyant tout ce que pouvait un mauvais gouvernement, s’est empressé des s’immiscer aux affaires, et de prendre la cause de la patrie. Le goût pour la représentation a de beaucoup augmenté, et l’on a senti que la chambre n’était jusque là en partie constituée que par la junte et la cabale administrative. Depuis ce temps les dissolutions, les menaces, l’argent, les honneurs, tout a été employé pour intimider et pour corrompre ; et tout a été inutile. L’opinion publique marche, s’avance pour accuser, pour écraser l’opinion des cabales ; pour dire que cet ordre de choses ne peut exister plus longtemps. Ceux qui s’y opposent ont proposé des palliatifs, des petits bills pour la disqualification de certains officiers à siéger dans les conseils, certains qu’ils sont qu’on leur saura gré d’avoir voulu retarder le moment de la défaite, et ignorant qu’ils ont trop tardé, et dépassé le but. Des plaintes existent depuis longtems ; tous conviennent de nos maux ; tous sont unanimes pour accuser : la difficulté est quant aux remèdes. Il s’agit d’examiner où nous les prendrons. Il y a des personnes, qui, occupées des systèmes électifs et des autres constitutions Européennes, voudront nous entretenir de ces idées. Ce n’est pas à nous à décider des institutions de l’Europe ; on ne peut l’éclairer ni en bien juger. Nous devons examiner quel doit être notre sort, le rendre aussi bon et aussi durable que possible. Il est certain qu’avant un temps bien éloigné, toute l’Amérique doit être républicaine. Dans l’intervalle, un changement dans notre constitution, s’il en faut, doit-il être en vue de cette considération ? et est-il criminel de le demander ? Les membres de cette chambre en sont redevables à leurs constituans comme d’un devoir sacré, et, quand bien même le soldat devrait les égorger, ils ne doivent pas hésiter à le faire, s’ils y voient le bien de leur pays. Il ne s’agit que de savoir que nous vivons en Amérique, et de savoir comment ont y a vécu. L’Angleterre elle même y a fondé de puissantes républiques où fleurissent la liberté, la morale, le commerce et les arts. Les colonies Espagnoles et Françaises, avec des institutions moins libérales, ont été plus malheureuses, et ont dû lutter beaucoup contre le vice de ces institutions. Mais le régime anglais, qu’a-t-il été dans les colonies ? A-t-il été plus aristocratique que démocratique ? Et même en Angleterre est-il purement aristocratique ? C’est d’une une grande balourdise de M. Stanley, de nous parler du gouvernement monarchique d’Angleterre en 1834. Du temps de la maison des Stuart, ceux qui ont maintenu le pouvoir monarchique, ont perdu la tête sur les échafauds. Depuis ce temps la constitution de l’Angleterre a été appellée mixte, et elle ne devait pas être appelée autrement. Lui, Mr. Stanley, ministre par un vote de la chambre et malgré le Roi, à qui l’on a dit de l’accepter ou de perdre sa couronne, Mr. Stanley, méprisé aujourd’hui par le peuple, vient nous parler du gouvernement monarchique de l’Angleterre, quand des changemens sont permis à ses habitans, si grands par leur commerce, leurs institutions, et les progrès qu’ils ont fait faire à la civilisation, aux arts et à la liberté sur tout le globe ; et quand cette nation vient d’introduire de nouveaux alimens de bonheur, en demandant la réforme de l’aristocratie, et en augmentant la force du principe démocratique dans son gouvernement. Le système vicieux qui a régné dans les colonies, n’a fait que donner plus d’énergie au peuple, pour se rendre républicain ; c’est ce qui a été le cas dans les états du nord de l’union. Dans les colonies du milieu des États-Unis, quoique les institutions y fussent plus républicaines et plus libérales, le peuple y a été le dernier à se révolter : et la raison en est bien simple, c’est qu’il n’avait pas eu à lutter contre la métropole, les secrétaires coloniaux ; que les assemblées y étaient nombreuses, et les salaires modiques ; que personne n’y pouvait influer sur des corps élus tous les ans, et qu’il était donné pour avis à la mère-patrie que le gouvernement colonial ne durerait qu’aussi longtemps que la bonne intelligence. D’ailleurs le nombre des états rendait la lutte plus facile. Dans les États régis par des propriétaires, les oppositions y étaient plus fréquentes ; mais néanmoins le gouvernement n’y était pour rien, il ne menaçait pas sans cesse : aussi un sentiment de liberté a-t-il régné de bonne heure ? Quelles n’en ont pas été les conséquences ? Comme ces colonies ont eu bientôt dévancé celles de la France, qui avait fait de bien plus grands sacrifices que l’Angleterre. En effet, depuis Québec jusqu’à la Nouvelle-Orléans, la France avait bâti en divers lieux des forteresses, et des maisons d’instruction publique ; elle y a sacrifié ses trésors sans succès, parce que c’était des Européens, qui voulaient gouverner des Américains, et suivant cet axiome qu’une nation n’en peut gouverner une autre. Cette prétention de dire, je vous