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état de la province.

lever, lui arracher sa mesure, et s’en sont emparés avec empressement et avidité, quand il ne s’agissait que de la faire venir un peu plus tôt ou un peu plus tard. Voilà quel était l’état de la question ; et voilà sur quoi personne ne devait avoir des idées plus saines et plus sûres que les deux hon. membres. Il a donc dû paraître surprenant que M. Bedard ait été interrompu au milieu de ses procédés par deux hon. membres, qui ont énoncé leur opinion sur ce sujet, démontré leur embarras et leur vacillation, et avoué une opposition formelle à ses résolutions, en demandant un délai de huit jours, sans songer qu’ils avaient eu trois semaines pour se préparer. Par cette demande de délais affectés, et leur opposition à la première résolution, ne nous annoncent-ils pas clairement qu’ils sont amis d’un ordre de choses différent de celui énoncé dans les résolutions, et qu’ils approuvent ce que celles-ci réprouvent. S’il en est ainsi, il s’agit donc d’entrer en matière, et de leur donner des argumens. Je ne crois pas qu’il puisse y avoir de difficultés à le faire dès ce moment ; surtout lorsqu’en grande partie ces résolutions ont déjà été votées par les membres qui font de l’opposition, et qu’ils doivent voter encore, s’ils ne veulent se jeter dans les contradictions les plus manifestes. Que s’ils comprennent bien leur devoir comme représentans du peuple, comme revêtus d’une des plus grandes dignités, comme appartenant à un corps bien supérieur en respectabilité à un autre qui dépend des caprices d’un seul homme, ils doivent sentir tout ce qu’il y a d’honneur d’être appelés à ce rang, et s’estimer assez eux et leurs confrères, pour dire qu’ils ne veulent pas jouer dans cette mesure, et l’éluder par des puérilités. Si parmi ces résolutions quelques-unes se trouvent être trop compliquées ; à mesure qu’elles se présenteront, ce sera le temps de les opposer, de donner des raisons et des argumens, de citer des faits et des principes, qui puissent jeter des doutes sur l’exactitude des faits et des principes qui y seront allégués, et la confiance qu’on doit y mettre, et justifier la demande de les ajourner à un jour ultérieur. Mais refuser de voter sur cette première résolution, qui énonce la loyauté canadienne, qui repousse la calomnie qui a tenté de la souiller, qui dit que les Canadiens ont résisté aux sollicitations de caractères aussi grands et aussi nobles que ceux des Franklin et des Washington, qui les appelaient à se joindre à eux dans la carrière où la persécution de l’Angleterre avait jeté les États-Unis, et qui les a conduits à cet état de bonheur et d’agrandissement où nous les voyons ; refuser, dis-je de voter cette résolution, est une détermination qui ne peut aisément se comprendre. Qu’on nous dise si les faits qu’elle énonce sont vrais ou non ; qu’on les nie, qu’on se joigne aux calomniateurs, qui payés par les Canadiens, n’ont cessé de mentir contre eux, et de choisir quelques faits isolés d’individus, pour en rejeter le blâme sur la population entière. Qu’on remonte au temps de la conquête, sous le général Murray, quand la calomnie avait donné tant de méfiance contre le peuple de ce pays, qu’on avait arraché les armes des particuliers, qui n’ont jamais été rendues, et distribué des soldats dans les familles : et l’on verra que depuis ce temps la faction anglaise, qui souille et salit les gazettes anglaises, n’a cessé de nous représenter comme un peuple déloyal et peu attaché à la Mère-Patrie. M. Neilson, mieux instruit qu’aucun dans l’histoire politique de cette colonie, a eu la générosité de se faire Canadien, et de dévoiler ces trames d’iniquité, et aujourd’hui il n’a pas la force de se répéter. Je ne crois pas qu’il y ait de difficulté à voter sur cette première résolution dès ce soir. Je suis bien aise de mettre les hommes à l’épreuve sur ce fait, et de voir si, dans le fonds du cœur, on nourrit des penchans à la calomnie. Il ne faut pas se jouer d’un sujet de cette importance. Nous devons faire quelques pas : déjà il y a eu assez de délai. Nous devons sentir, tout le monde doit sentir que la forme de notre gouvernement est vicieuse, et nos administrations fautives. Le gouverneur et le conseil ont leur part du pouvoir, et ils ont dû dans ces circonstances délibérer aussi eux sur l’état de la Province. Ni nous avions voté ces résolutions sans qu’elles fussent venues à leur connaissance, nous aurions eu l’air de n’oser avouer ces vérités, craindre une prorogation de la part de l’Exécutif, ou qu’il ne mît la défection dans nos rangs. Le gouverneur les a vues et les a lues, ces résolutions ; il a eu deux jours pour délibérer, et il a été le maître de nous dire qu’il ne donnait pas son consentement à ce qu’on les discutât, en nous prorogeant. Il a dû prendre, et il a pris l’avis de son conseil sur ce sujet. Hier et aujourd’hui, il a pu nous envoyer encore : il ne l’a pas fait. Il est vrai pourtant qu’on ne pouvait pas supposer qu’il nous permettrait d’examiner davantage ses torts et ses injustices. Le temps est passé à présent : si cette chambre n’est pas la force du pays, elle la représente, elle l’exprime. La vérité pénétrera enfin. L’Exécutif est convaincu que nos accusations seront appuyées par le peuple. Il doit savoir aussi qu’une faction et une fraction sont la même chose, et que la cabale commerciale, qui prétend tout régir ici, n’est pas la force de ce pays. La force des évènemens dans cette province a porté la conviction, que les vœux de la masse de la population doivent être suivis ; et je ne crois pas à ceux qui ont dit d’avance qu’on oserait nous dissoudre. Nous avons à examiner, si aujourd’hui nous ne sommes pas rendus à cette époque qu’il faut