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LA SANTÉ DE ROYER-COU.AKh 221

de Dieppe, pour n'avoir rien à me reprocher, mais sans grande espérance. Provisoirement, j'y passe une triste vie. Des pluies continuelles, l'hiver en plein août, point de voitures pour un homme qui ne marche pas; un monde odieux. Vous y trouveriez, vous, à qui parler : M. le duc de Massa, sa femme et sa fille; Math, de la Redorte, Ant. de Noailles qui a plus l'air d'un mort que d'un vivant, J. de La Grange avec les Beauveau et les Jaubert, Dalton, déjà parti à mon grand chagrin, un assez grand nombre de femmes laides ou éreintées, puis, des ban- quiers ou banquières, marchands ou marchandes, rien pour moi. Heureusement, ma santé m'interdit tout désir sérieux, car je n'aurais guère à me satisiaire. Les petits messieurs qui viennent ici faire des conquêtes et qui raconteront à Paris leurs bonnes fortunes, tirent la langue comme des affamés, poursuivent d'horribles femmes de chambre qui les refusent et les dénoncent. Ma seule ressource, c'est de regarder la mer toujours furieuse, et de me rouler dans des rêveries mytho- logiques. Bien que ce ne soit point ici la patrie de Glaucus et de Panopée, je les cherche partout sur cette plaine d'eau, je crois que je finirais, si je devais y vivre longtemps, par me convertir au paganisme. Oh! que la rue de Provence est belle! Le cœur me battra bien fort quand je la reverrai. Toutefois, je suis décidé à avaler lu poison jusqu'à la lie. Je resterai à Dieppe encore i) jours, trois semaines, un mois, si c'est nécessaire. Je lis \ 'irgilc et les annonces de mariage du Constitutionnel', ce sont mes deux grands plaisirs. Du reste, j'ignore entière- ment ce qui se passe. Courmont, qui était revenu et reparti, m'a appris que vous étiez à Poitiers. Qu'y laites-