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jusqu’au printemps de 1864, mais fit, pendant ce laps de temps, de nombreux voyages pour donner des concerts, à Saint-Pétersbourg notamment, et pour faire représenter ses œuvres, à Pesth, Prague et dans d’autres villes. Il vit se briser, l’une après l’autre, toutes ses espérances artistiques ; sa situation matérielle était désespérée, ettousses efforts pour y échapper restaient inutiles. Le maître dut quitter le foyer qu’il venait de se créer à Vienne ; pendant quelques semaines, il erra sans but précis, se réfugia quelque temps chez ses amis Wille, à Zurich, puis repartit pour Stuttgart… Souvent mordu du désir d’en finir une bonne fois avec ce monde, « son avenir », il l’écrit lui-même, était « implacablement désespéré » Alors survint le message de Louis de Bavière. Aux premiers jours de mai 186-4, Wagner arrivait à Munich : un trait de plume, avait suffi, et tout souci matériel s’était évanoui, et son avenir artistique s’ouvrait à lui comme un jour resplendissant de gloire et de joie : « Il entend que je sois mon maître, mon seul maître, non pas chef d’orchestre, non, rien, rien que moi-même et son ami… il me décharge de tout souci, j’aurai tout ce qui m’est nécessaire», écrit-il le 4 mai 1864. Et pourtant, ce souci détesté, combien vite il allait se dresser de nouveau devant lui ! L’épisode de Munich ne dura pas même autant que ceux de Paris ou de Vienne ; dès décembre 1863, Louis II se voyait forcé, bien à contre-cœur, d’éloigner Wagner de sa présence et de sa capitale, sans lui rien ôter, d’ailleurs, de son amour et de son admiration. Encore une fois, la cabale de la vulgarité avait vaincu, mais, comme d’ordinaire, elle avait été aveuglée par la haine et la sottise, et sa victoire ne profita qu’au maître qu’elle persécutait. Le départ forcé de Wagner mit fin à cette période pendant