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une place à côté de ses écrits, de ses œuvres d’art et de ses actions.

Le calme relatif des années de Zurich nous permet de jeter un coup d’œil général sur l’activité artistique de Wagner. Lorsque les événements de Dresde eurent tranché le nœud gordien, en le séparant d’un monde qu’il ne pouvait plus servir qu’en se faisant illusion et violence à lui-même, la fermentation intérieure de son âme d’artiste atteignit son point maximum. Nous aurons à étudier de plus près, tout à l’heure, la marche de ce développement artistique ; car il serait peut-être séduisant, mais il est dangereux, de vouloir établir un rapport génétique entre l’éclosion des œuvres d’art et les événements de la vie de l’artiste : la source de son inspiration nous demeure à jamais cachée, et bien que ce qui nous apparaît à la surface présente une succession, comme tout ce qui vit, ce développement lui-même n’en est pas moins comme une vie dans la vie. Ici, la logique perd ses droits, et si c’est une nécessité qui pousse le génie à produire, la loi de cette nécessité reste en elle-même et ne saurait se déduire de son environnement.

Nous pouvons, toutefois, constater un symptôme significatif de ce que j’ai appelé plus haut une fermentation intérieure ; c’est que, pendant ces années 1848 et 1849, Wagner portait en lui nombre de projets dramatiques qu’il ne devait jamais exécuter : Frédéric Barberousse (drame parlé), La Mort de Siegfried, Wieland le Forgeron, Jésus de Nazareth, (ceux-ci des drames wagnériens proprement dits, en paroles et en musique), puis encore d’autres idées dramatiques moins mûries, comme un Achille. L’artiste créateur, en effet, était à la veille de faire un pas grand et décisif, ou, comme il le dit lui-même, « de parvenir de l’incons-