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celle-ci dans sa plénitude, il lui fallait, plus peut-être au point de vue de sa dignité morale qu’à celui des moyens matériels, un roi pour ami. Aussi, ce dernier ne s’étant pas encore trouvé, Wagner se vit-il obligé, à la fin de cette période et de l’année 1859, de renouer momentanément avec le théâtre, dans le seul but de pourvoir à sa propre subsistance.

Cependant il s’était fait d’autres amis, des musiciens surtout, troupe faible encore, mais enthousiaste, de disciples, amenés par Liszt à une compréhension plus profonde de l’art wagnérien : Klindworth, Alexander Ritter, Peter Cornelius, Draesecke et d’autres. À cette élite vinrent sejoindre des hommes comme Brendel, l’historien bien connu de la musique, et le conseiller d’État Franz Mueller, habile écrivain, versé dans la littérature et la mythologie allemandes[1].

Ce fut là le premier noyau de ce parti wagnérien, au sujet duquel les journaux devaient, pendant bien des années, se hausser au diapason que l’on sait. S’il se forma, d’ailleurs, un parti quelconque, ce ne fut que la conséquence naturelle des attaques sans mesure, des railleries systématiques dirigées contre les doctrines et les visées de Wagner. Lui-même avait ce classement et ces luttes de partis en horreur, et rien ne l’irritait jusqu’à la furie comme les sottises de partisans bien intentionnés, mais inintelligents. Il écrit à Liszt, en 1857 : « Un malheureux vient encore de m’envoyer un paquet de folles absurdités sur mes Nibelungen, et s’attend sans doute à quelque flatteuse réponse. Faut-il que,

  1. Son écrit Richard Wagner et le Drame musical, bien qu’il date de 1861, alors qu’aucune des œuvres de la seconde phase n’avait encore paru sur la scène, a une valeur durable ; très instructives aussi, ses considérations sur Tannhäuser, Tristan et Iseult, les Maîtres-chanteurs, etc.