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d’espace pour vivre sans être forcé à battre monnaie avec le pouvoir créateur qu’il sentait en lui.

Le premier qui comprit ce qu’il fallait à Wagner, et cela parce qu’il éprouvait par lui-même un besoin du même ordre, ce fut le roi Louis II de Bavière ; mais jusqu’au moment où, en 1864, cet admirable souverain intervint d’une manière si décisive dans la vie du maître, ce dernier eut à passer plus d’une fois par les angoisses de la misère. Son art, toutefois, avait déjà agi, et si quelques-uns seulement en avaient compris l’appel, je tiens à leur rendre, en les mentionnant ici, l’honneur qui leur est dû, puisque ce fut grâce à eux seuls qu’à une époque où ses droits d’auteur ne représentaient encore qu’un revenu minime, il put, sans place ni traitement fixe, vivre tout entier pour son art.

En tête de cette liste glorieuse se place le nom de Franz Liszt, ne fut-ce même qu’à cause de la prééminence de son haut esprit. Dans une lettre de 1856, Wagner appelle leur amitié « l’événement le plus important de sa vie ». Ce n’est pas seulement que Liszt s’imposât, plus qu’aucun autre, des sacrifices destinés à secourir matériellement le maître, mais c’est que, seul, il avait une autorité personnelle pouvant le mettre à même de donner à Wagner l’appui moral et artistique dont il avait besoin. Ce fut en effet Liszt qui, vers 1850 et les années suivantes, exécuta les œuvres décriées du proscrit, en sorte que le Théâtre de Weimar devint le centre d’où elles commencèrent à rayonner sur toute l’Allemagne (notamment le Vaisseau Fantôme, Tannhäuser et Lohengrin). En même temps, Liszt, par ses écrits au sujet de ces trois œuvres, leur frayait la voie d’une compréhension plus complète, et ces écrits sont, encore aujourd’hui,