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bases de sa théorie de l’Art et du Drame, là qu’il composa plusieurs de ses chefs-d’œuvre.

« Tu peux me croire sans réserve, si je te dis que ce qui me pousse à vivre encore, ce n’est uniquement que l’impulsion irrésistible de toute une série d’œuvres d’art, qui s’agitent en moi et dont l’impérieuse vitalité semble porter et soutenir la mienne : il faut qu’elles voient le jour. Il n’y a que la création artistique qui me satisfasse et qui me donne le désir de vivre… Aussi n’accepterai-je jamais de place ou quoi que ce soit de semblable. Quiconque sait quelque chose de mes travaux, ou sent et respecte ce qu’ils ont de particulier et de distinctif, doit reconnaître que moi, précisément, et surtout vis-à-vis d’une institution comme le théâtre actuel, je ne saurais jamais en venir à faire de mes œuvres une marchandise ».

Ces lignes, que Wagner, vers 1850, adressait à son ami Franz Liszt, sont le résumé de la seconde moitié de sa vie. Dès lors, il n’a plus voulu vivre que pour l’art, et pour l’art seul ; il n’a plus rien cherché ni demandé pour lui-même, il n’a plus voulu servir qui que ce fût d’autre ; il vivait pour le monde, mais, en un sens, en dehors du monde, et il eût pu dire comme Byron :

I stood
Among them, but not of them, in a shroud
Of thoughts which were not their thoughts[1].

Il savait maintenant ce qu’il était et devait être pour le monde ; et à ce monde il ne demandait qu’assez

  1. « Je me dressais au milieu d’eux, mais non pas l’un d’eux, drapé dans un linceul de pensées, de pensées qui n’étaient pas leurs pensées. »