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l’exécution de bons opéras (entre autres Don Juan et le Vaisseau Fantôme), et des concerts qu’il organisa pour se les donner à lui-même et pour pouvoir entendre, jouée comme elle devait l’être, la musique de Haydn, de Mozart, de Gluck, de Beethoven, de Weber, ainsi que la sienne. Les relations diverses qu’il put entretenir durant ce séjour, si l’on excepte son amitié avec Gottfried Semper, Georg Herwegh, et Gotlfried Keller, ne signifient pas non plus grand’chose au point de vue qui nous occupe. Une étroite amitié unissait Wagner au directeur de musique Heim et à sa femme, excellente musicienne : avec eux il aimait à exécuter des fragments de l’Anneau du Nibelung, qu’il était alors en train d’écrire ; il passa aussi des heures agréables chez le philosophe Wille et chez le négociant Wesendonck ; mais, en somme, il fuyait plutôt la société, n’y trouvant pas de sympathie sérieuse et profonde pour le but qu’il poursuivait ; il fuyait tout particulièrement « l’infernale cohorte des professeurs », et écrivait à Liszt : « Les tortures que m’inflige trop souvent la compagnie des hommes me sont devenues les plus cruelles de toutes, et je ruse à seule fin de m’isoler. »

Wagner, en effet, était entré dans la « période consciente du vouloir créateur » ; toutes les circonstances extérieures, dans cette seconde phase de sa vie, semblent disparaître devant l’importance de ce fait. Elles peuvent il est vrai, accélérer ou retarder la marche en avant du maître, mais elles ne le feront pas dévier de son chemin. À Zurich, cependant, l’environnement était plutôt neutre, et Wagner n’eut pas à y réagir sur le monde qui l’entourait, comme plus tard à Paris, à Munich, à Bayreuth. Sa vie à Zurich fut toute intérieure ; ce fut là que, dans ses écrits, il jeta les