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que trop à admettre sans examen toutes les calomnies qui pouvaient la servir.

C’est ici que je dois clore ces quelques brèves copsidérations sur les événements qui se passèrent pendant le séjour de Wagner à Dresde, et qui nous ont conduit jusqu’au moment où se place ce que j’ai dit plus haut avoir été la grande crise de sa vie. À l’égard d’un génie créateur comme le sien, les événements ne sauraient avoir joué un bien grand rôle. Tandis que sa fortune semblait, à leur gré, monter ou descendre, tandis que le maître poursuivait sa lutte obstinée et incessante et se voyait lui-même attaqué avec une obstination égale à la sienne, des œuvres immortelles étaient nées, Tannhäuser, Lohengrin, la première esquisse des Maîtres Chanteurs, le projet primitif de l’Anneau du Nibelung et celui de Jésus de Nazareth, d’autres encore.

Voilà les vrais actes du génie, voilà sa vie, et ces actes dureront et cette vie s’épandra encore en flots bienfaisants et bénis, bien longtemps après que les misères de l’insurrection de 1848 seront tombées dans le gouffre de l’oubli.

S’il me fallait résumer en peu de mots et avec la simplicité la plus grande possible, ces sept années si importantes de la vie de Wagner, je dirais que les impressions qui se succédèrent chez lui pendant cette période me paraissent, dans leur effet et dans leur ensemble, converger vers deux foyers lumineux : d’une part, la rupture définitive de l’artiste avec l’opéra traditionnel, tant dans sa mise en scène qu’en lui-même, et la conception consciente et achevée du drame wagnérien, et de la scène nouvelle qu’il fallait à ce drame, conception dès longtemps pressentie, mais encore enveloppée dans des voiles que la persévérance du génie