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institution une tendance nettement définie dans le sens au moins de mon idéal artistique, de façon à ce que l’excellence devînt la règle au lieu de rester l’exception, toute la peine que j’y pris, tout échoua. Il me fallut bien me rendre à l’évidence, et comprendre ce qu’est le genre de culture auquel vise le théâtre moderne, et particulièrement l’opéra ; et cette cruelle conviction me remplit d’un tel dégoût, d’un si profond désespoir, que, renonçant à tout essai de réforme, je ne voulus plus rien avoir à faire avec une aussi frivole institution. »

L’emploi que Wagner remplissait à Dresde, il ne l’avait point sollicité ; cet emploi lui fut bien plutôt imposé ; il se décida à l’accepter pour assurer son existence matérielle, surtout par égard pour ses créanciers, qui attendaient depuis plusieurs années qu’il se trouvât en position de les payer. Lui-même écrit : « Je ne cachai au peu d’amis intimes que j’avais, ni la répugnance que je ressentais à accepter les fonctions de maître de chapelle de la cour, ni l’hésitation qui en était le résultat naturel. » Ces affirmations de Wagner, l’historiographe du Théâtre de Dresde, Proelss, les confirme en termes exprès[1]. La situation devenait de plus en plus intolérable pour le maître. Nous lisons dans le procès-verbal d’une entrevue qui eut lieu entre l’intendant et lui, vers la fin de son séjour à Dresde : « Wagner assura toutefois qu’il se sentait lui-même peu fait pour le service qu’on attendait de lui, et qu’il en eût volontiers résigné les fonctions, si le souci de ce que deviendraient sa femme et son ménage ne l’en eussent empêché. » Et le procès-verbal continue avec

  1. Voir ses Contributions à l’histoire du Théâtre royal de Dresde, 1878.