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En 1834, Wagner quitta Würzbourg pour retourner à Leipzig. Le 1er  janvier de cette même année, il avait tracé la dernière ligne et la dernière portée de ses Fées. Il espérait faire accepter cet opéra dans la ville où il était né, dans ce Leipzig qui avait applaudi à ses premiers essais. La fortune semblait lui sourire : sa sœur Rosalie, engagée au théâtre municipal, ne pouvait-elle pas le servir ? Il y avait, d’ailleurs, d’autres amis, engagés comme elle ; des écrivains influents, comme Heinrich Laube, avaient été frappés de ses dons extraordinaires et le soutenaient dans la presse quotidienne. Le directeur lui-même du théâtre n’était pas éloigné de mettre l’œuvre de Wagner à l’étude. Mais ici déjà, à l’occasion de ce premier fruit de son génie, un sort inexorable commença à lui barrer la voie ; ce sort contraire, il devait le trouver devant lui bien souvent encore, et toujours sous une forme significative. Un ami de Mendelssohn, le régisseur Frantz Hauser, condamna son œuvre, dont, disait-il, « toute la tendance lui répugnait », et alla jusqu’à appuyer ce jugement sommaire de ce considérant, que Wagner « ne savait absolument rien de la mise en œuvre des moyens », et que « chez lui, rien ne semblait jaillir du cœur. » Ce sont littéralement les mêmes reproches que l’on faisait, dans les mêmes sphères, au grand modèle de Wagner, à Beethoven. Ce verdict de Hauser ne nous remet-il pas en mémoire les paroles de Mendelssohn lui-même, disant de la IXe Symphonie : « Elle ne donne aucun plaisir[1]. » Les Fées, ne furent donc pas représentées.

Ce fut sous l’impression d’une déception amère que

  1. Voir le livre de A.-B. Marx, l’ami intime de Mendelssohn ; Erinnerungen aus meinem Leben, II, 133.