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une savante gradation des profondeurs assignées aux divers instruments, leur effet réciproque ; en rapprochant les instruments à cordes, en donnant aux cuivres, plus rudes, la place la plus lointaine et la plus profonde, en laissant aux instruments à vent en bois l’espace libre entre les deux écrans, en obtenant par là une fusion des ondes sonores, une unité d’harmonie inconnues jusqu’à lui ; oui, de tous ces incomparables perfectionnements je ne songe pas à diminuer l’importance : mais, en regard de l’idée-mère des Festspiele, ce ne sont pourtant que des éléments matériels et pratiques, et, par conséquent, secondaires.

La préface dont je parle ne s’en terminait pas moins par un attristant aveu : c’est que le maître n’espérait plus atteindre son but par une simple réunion des amis de l’art : « Quand je songe, combien petitement les Allemands ont coutume de procéder en pareille matière, » conclut-il, « je n’ai pas le courage d’espérer qu’un appel dans ce sens serait couronné de succès. » Par contre, il espérait encore en quelqu’un des princes allemands, et l’écrit aboutissait à cette question anxieuse : « Ce prince se trouvera-t-il ? » Et, le lecteur le sait, ce prince se trouva !

Et Wagner de s’écrier : « Aucune expression poétique ne suffirait, aucun dictionnaire n’aurait de mots, pour énoncer une phrase digne de la saisissante beauté de cet événement : un roi à l’âme haute entrant dans ma vie ! Car ce fut bien un roi dont la voix vint me dire, au sein du chaos où je me débattais : Viens ici ! complète ton œuvre ! Je le veux ! » Et pourtant ce fut cette même publicité, qui n’avait pu aider Wagner à réaliser sa pensée si belle et si désintéressée, qui eut la puissance de briser la volonté de « ce seul roi de notre siècle », et d’empêcher, en 1865, la fondation du