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Festspiel scénique organisé comme je le demande », cette prophétie s’est surabondamment accomplie. Mais Wagner avait reconnu que sa première idée d’une fête artistique, célébrée une fois pour toutes, ne suffirait pas. Déjà, en 1853, il avait dit à Rœckel « que, dans un théâtre approprié, il donnerait toutes ses œuvres pendant une année entière » ; et maintenant, en 1862, il propose une institution permanente, « avec des reprises annuelles, ou du moins tous les deux ou trois ans ». Dans cette même préface, il demande que l’orchestre soit invisible, et cela pour des raisons, soit acoustiques, soit esthétiques et dramatiques.

Cependant, en général, le grand public attribue beaucoup trop d’importance à cette disposition de l’orchestre ; pour bien des gens, le Festspielhaus de Bayreuth n’est qu’un théâtre comme tant d’autres, dont l’orchestre est caché sous la scène ; tandis qu’au contraire cette solution géniale d’un problème qui a préoccupé les grands artistes de tous les temps n’est encore qu’un de ces nombreux détails qui, s’ils sont de nature à augmenter la confiance que nous avons en Wagner, n’ont après tout qu’une signification secondaire. Les Florentins du XVIIe siècle déjà reléguaient l’orchestre derrière le théâtre ; Grétry, dans son Projet d’un nouveau théâtre, donne une description qui répond, presque trait pour trait, au théâtre de Bayreuth, et dans laquelle il émet le vœu que l’orchestre soit couvert, et qu’on ne voie ni les musiciens, ni les chandelles brûlant sur leurs pupitres. Gœthe demande « que l’orchestre soit dissimulé dans la mesure du possible », etc. Certes, Wagner a fait preuve d’un génie admirable en ne se bornant pas à couvrir l’orchestre et à rapprocher du spectateur l’image scénique, comme l’avaient demandé ses prédécesseurs, mais en égalisant, par