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une représentation défectueuse est un crime contre l’art, et contribue, du même coup, à gâter le goût de public. Ces idées, on les trouve, par exemple, longuement développées et appuyées d’arguments détaillés et pratiques, dans son Projet d’organisation d’un théâtre national allemand, de l’an 1848[1]. Cependant, Wagner ne perd jamais de vue le public, « ce tout-puissant collaborateur » ; il sait qu’on ne saurait octroyer, pour ainsi dire, des chartes artistiques, mais qu’il s’agit, comme l’a si bien dit Schiller, de présenter au monde ce qui est éternellement et absolument beau, de façon « à le transformer en un objet qui s’adapte aux tendances humaines » ; et c’est ainsi qu’au temps de Lohengrin, en 1847, nous le voyons écrire : « Il faut que des actes forment le public, car tant ce qu’il n’aura pas appris à connaître ce qui est vraiment bon dans la série de ses conséquences, le besoin n’en sera point éveillé chez lui ». Et en 1850, il répond à la direction du théâtre de Weimar, qui lui demandait de rendre Lohengrin plus « commode » (!) pour le public en y pratiquant des coupures : « Si vous voulez vraiment éduquer ce public, il faut avant tout que votre éducation le fortifie, il faut que vous chassiez la lâcheté et la mollesse de ses membres, que vous l’accoutumiez non à se distraire au théâtre, mais à s’y recueillir. Et si vous ne l’habituez pas à cet exercice de force dans la jouissance artistique, votre zèle amical ne servira à propager ni mes œuvres, ni mes intentions. Les Athéniens assistaient dès l’heure de

  1. Quinze ans plus tard, dans son écrit : L’Opéra impérial de Vienne, le maître a montré qu’on pouvait obtenir encore d’excellents résultats, même en conservant le ballet et une troupe spéciale pour l’opéra italien.