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d’Eschenbach de la virginale chasteté du héros tant éprouvé, enfin vainqueur. Mais, chez Wagner, ce trait saillant a pris une haute signification dramatique ; je ne saurais comprendre, pour ma part, où l’on prétend découvrir, dans cette œuvre, la moindre trace de vœux monastiques de chasteté, à moins que ce ne soit peut-être chez Klingsor, « le méchant par delà les montagnes ». Titurel, le saint héros, est le propre père d’Amfortas, Parsifal, celui de Lohengrin. D’autre part, le peuple a toujours su discerner la valeur, non seulement morale, mais aussi psychologique et physiologique, de la chasteté ; il a surtout su voir qu’ici, à ce point précis, l’élément moral et l’élément physique sont inséparables et confondus. Qu’un héros vierge, seul, puisse tuer le dragon, c’est là un trait persistant des vieux mythes, et on le retrouve même dans de lointaines légendes exotiques, comme dans l’Aladdin persan, où le trésor ne saurait être retiré du sein de la terre par le magicien, mais seulement par le jeune homme encore innocent. Quand Siegfried tue Fafner, il n’a pas même effleuré du regard une femme. Mais avant qu’il parte pour courir le monde, Brünnhilde est devenue son épouse : chaste encore, pas même la ruse la plus madrée de Mime n’a suffi à l’égarer, car alors, il comprenait l’avertissement de l’oiseau perché sur la branche ; tout au contraire, le Siegfried ayant connu la femme est la dupe facile des convoitises charnelles, et son inconscience n’hésite plus devant le breuvage d’oubli. Comme Siegfried en face du monstre, Parsifal, pur, confronte la « diablesse ancienne, la rose d’enfer » (Kundry), et en reste vainqueur. Il est clair qu’à semblable victoire il fallait la force intacte d’un homme pur et non encore défloré par les plaisirs des sens ; ceci, surtout, au point de vue du développement ultérieur