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œuvre, nous nous trouvons en présence de la douleur et de la souffrance. C’est, d’abord, le roi Amfortas que « la cruelle maladie condamne à l’insomnie », qui soupire après le bain bienfaisant qui en émoussera l’aiguillon ; on l’apporte sur une civière, touchante image de l’épuisement qui suit « une fiévreuse nuit de tortures ». Puis, dans la seconde scène, nous apprenons de sa bouche que « la blessure et les maux implacables » qui en résultent ne sont que peu de chose auprès de « l’angoisse, de l’enfer de souffrance » auxquelles son âme est en proie, et, en termes faits pour nous émouvoir, il crie à Dieu :

Pitié ! Miséricorde !
Ô Toi, le miséricordieux, oh ! pitié !

Mais ce n’est pas seulement le « coupable gardien de Graal » qui souffre, mais tous avec lui, les bons comme les méchants, les pécheurs comme les innocents : plaintive, la voix de Titurel s’élève de sa tombe ; plaintif aussi, l’appel de Kundry : « Pitié ! pitié pour moi ! » et Klingsor crie, lamentable et furieux, son « angoisse horrible ! » Dans la personne de Gurnemanz comme dans ses récits, nous voyons dépérir « toute la chevalerie, sans force et sans guide », et nous entendons retentir sa plainte encore : « Malheur ! malheur ! gardiens du Graal ! » Cependant, par là, la malédiction de la souffrance s’étend au monde entier, « car, quand le péril appelle le secours », les templiers ne peuvent plus, « pâles, misérables et chancelants qu’ils sont », courir à l’aide des croyants, des bons et des opprimés… Et c’est ainsi que la plainte semble pénétrer la nature entière ; jusqu’aux innocentes filles-fleurs, au moment où elles apparaissent, gémissent : « Malheur ! all