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III. — Tristan et Iseult


Pour différents qui soient l’un de l’autre les Maîtres Chanteurs et l’Anneau du Nibelung, ils ont un trait commun : le grand nombre des personnages. Mais la musique veut la simplicité ; en présence de la variété, elle perd de sa force d’expression et d’expansion. Sans doute, elle peut agrandir toujours plus les cercles qu’elle trace autour d’un centre donné ; le musicien peut, pour emprunter les mots de Wagner, « développer le point condensé et comprimé, jusqu’à l’entière plénitude de son contenu » ; et du centre peuvent très bien, comme nous l’avons vu à propos de l’Anneau, émaner d’autres foyers secondaires, faisant apparaître des individualités nouvelles, nettement caractérisées, en une série de cercles concentriques : mais il faut toujours qu’il y ait unité, qu’on puisse poser le doigt sur le « point condensé et comprimé » dont Wagner parlait tout à l’heure. Ce n’est qu’à cette condition que la musique « peut devenir image ». Plus l’image scénique est variée, plus cette unité doit nettement ressortir : c’est du cœur de Hans Sachs et de celui de Wotan que, dans les œuvres analysées plus haut l’expression musicale sortait pour se répandre à travers l’œuvre entière, comme la lumière du soleil central inondant le système planétaire ; nous verrons dans Parsifal, peuplé de tant de figures diverses, l’unité se faire encore, non plus autour d’un personnage, mais autour du Saint-Graal, symbole du divin. Dans Tristan et Iseult, par contre, la simplification indispensable à la formation musicale est obtenue tout autrement.