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humaine, la fatalité l’amène à causer la mort du seul homme qu’elle aime. Et maintenant, une fois qu’elle sait, grâce à la mort de Siegfried, c’est-à-dire une fois qu’elle a pu retrouver la claire et divine vision des choses, les deux tragédies, celle de la volonté et celle de la fatalité, se marient dans sa conscience ; elle embrasse l’ensemble de l’action depuis le rêve de « gloire infinie» qui avait ébloui Wotan, jusqu’au meurtre « du héros sublime, de l’héritier du monde ». En rendant aux flots l’anneau « purifié par le feu », elle délivre le monde de la malédiction de l’or qui pesait sur lui ; en suivant Siegfried dans la mort, elle expie et rachète la dernière faute, celle que la fatalité lui avait imposée ; et c’est ainsi que Brünnhilde accomplit, et la volonté de Wotan, et le geste qui sauve le monde. »

On voit qu’il ne faudrait pas exagérer l’analogie qu’il y a entre Wotan et Hans Sachs, dans leur signification pour la construction des deux drames. Ceux-ci sont entièrement différents dans toute leur architecture. En quoi ils se ressemblent, c’est que, dans l’un comme dans l’autre, une figure se dresse, chez qui le conflit intérieur devient le foyer central de toutes l’action, pour compliquée qu’elle puisse paraître. Mais tandis que Hans Sachs ne lutte que dans les tréfonds de son âme, sans se répandre en paroles, et paraît, en quelque sorte « passif », Wotan, lui, est le centre de l’action extérieure comme de celle qui se déchaîne en lui. On conçoit que le maître ait sérieusement pesé le conseil amical qu’on lui donnait, de débaptiser son drame et de l’intituler : Wotan. Les Walkyries, parmi lesquelles se détache Brünnhilde comme la plus parfaite incarnation de la « volonté » de Wotan, les « Wälsungen », qui, avec Siegfried, parviennent à leur plus magnifique floraison, sont les enfants de Wotan ; c’est lui qui a