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romans d’aventures, un poème est sorti qui peut bien être, pour nous, Germains « la légende des légendes ! » Il ne faut cependant point oublier que Tristan et Iseult, comme aussi Parsifal, se rattachent organiquement à l’Anneau du Nibelung. L’identité de rapport entre Tristan et Iseult, d’une part, entre Siegfried et Brünnhilde de l’autre, avait déjà frappé les savants, et des plus pondérés ; et Wagner dit expressément que son drame de Tristan est un « acte complémentaire de ce grand mythe des Nibelungen, de cosmique envergure ». Mais tout aussi frappante est l’étroite relation, qu’il y a entre les deux « purs simples », Siegfried et Parsifal : sans doute, Parsifal n’est pas un « acte complémentaire » ; mais le mythe chrétien est en lui-même un complément nécessaire, partout pressenti et désiré dans l’Anneau, exigé même par la mort de Brünnhilde.

Ce n’est que malgré moi que j’interromps cette exposition pour faire de la polémique. Mais il est du devoir d’un biographe de s’opposer nettement à cette prétention insoutenable, que ces trois œuvres si étroitement liées, l’Anneau, Tristan, et Parsifal, auraient été les symptômes d’une évolution intérieure dans le cœur de l’artiste. En s’en tenant à des dates accidentelles et à une connaissance trop superficielle de la personnalité de Wagner, on a cherché, dans bien des volumes, à rendre plausible l’idée que Wagner aurait changé tous les deux ans sa conception de l’univers. Jusqu’en automne 1847 (Lohengrin), Wagner aurait penché surtout, prétend-on, vers le christianisme. Puis tout à coup, il se serait rangé à un « naturalisme païen », qui aurait donné naissance à l’Anneau du Nibelung. Quelques années plus tard il aurait succombé à l’influence du pessimisme philosophique, abjuré jusqu’à son reste de foi païenne, et alors écrit Tristan et Iseult. Mais il se