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vraiment parce qu’il est la force de l’homme dans la plénitude de son énergie la plus haute et la plus immédiate et de son charme suprême. Ici, dans le rythme où cet homme se meut, plus de volition réfléchie dans l’amour, car il était amour, et l’amour courait avec le sang de ses veines, animait tous les muscles, et se manifestait en lui et par lui dans l’exquise réalisation de son essence. » (Communication à mes amis, IV, 309).

Ces quelques indications donnent quelques-uns des traits les plus marquants de la conception poétique de Wagner ; elles font sentir non seulement la distance qu’il a su mettre entre lui et ses prédécesseurs, mais aussi comment, par là, il a évoqué une création telle qu’elle ne pouvait être due qu’à la plume d’un des plus grands parmi les poètes. Plus on s’enfonce dans l’étude des légendes du Nord, de la mythologie de l’Allemagne et de sa littérature fabuleuse, plus on conçoit d’admiration respectueuse pour ce que Wagner en a su tirer. Il a montré ce qu’il avait lui-même appelé « le plus grand pouvoir qu’on puisse rêver chez le poète », il a « manifesté et représenté dans le drame le mythe réinventé, justitié en pleine lumière par la conscience humaine, en tant que correspondant à la conception de la vie éternellement présente, manifestation et représentation rendues par lui aussi compréhensibles que possible. » L’inépuisable vérité des rapports, intuitivement sentis par les peuples entiers, entre l’homme et le monde qui l’environne, cette symbolique de la nature, qui est une philosophie vécue, contrastant avec la philosophie pensée seulement, voilà ce que Wagner a, dans sa claire conscience de poète, de créateur, de voyant, érigé en un monument artistique de forme impeccable. Et, en le faisant, il a rempli le vœu de Herder : du fouillis inextricable des légendes et des