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par des constructions a priori, qu’il en découvrit la loi fondamentale. Dans Frédéric Barberousse surtout, il le voyait avec une pleine évidence : ce qui est historique ne se prête pas à l’expression musicale. En revanche, la Mort de Siegfried eût paru, pour tout compositeur d’opéra, être un texte splendide à une interprétation musicale ; mais justement quand Wagner voulut entreprendre celle-ci, il remarqua que, dans cette œuvre : « le récit épique, l’élément intellectuel prenait une trop grande place ». Pour Jésus de Nazareth, la difficulté n’était point dans les longs développements nécessaires à certains points de l’action, mais encore dans ce fait que nombre de ses facteurs n’étaient accessibles qu’à l’intelligence ». Ce reproche, l’esquisse Wieland le Forgeron semblerait, sans aucun doute, bien moins le mériter ; mais elle n’a pas la simplicité monumentale des dernières œuvres du maître, l’action en est beaucoup plus touffue et compliquée que celle de Tristan ou de n’importe quel drame séparé du cycle des Nibelungen. Or, la complication est, par elle-même, du domaine de l’intelligence. Ce fut ainsi par exclusion successive que jaillit la formule du drame nouveau : « Tout contenu accessible à la seule intelligence n’est communicable que par le langage parlé ; mais plus il s’étend dans le domaine du sentiment, plus impérieusement il réclame un moyen d’expression que la musique seule peut lui apporter dans une plénitude qui y corresponde. C’est ainsi que, de lui-même, se limite et se définit le contenu que le poète musicien a la tâche de traduire : c’est, dégagé de toute convention, de toute entrave historique et formelle, l’élément purement, exclusivement humain ».