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On voit ici quelle étroite solidarité il y a entre les projets dramatiques de cette crise de sa vie et les écrits contemporains de cette crise. « Mes travaux littéraires, écrit Wagner à Rœckel, étaient les témoignages des liens dans lesquels, comme artiste, je me débattais encore ; ce ne fut que contraint et forcé que je m’y résignai ; continuer à les subir eût été ma mort »

Si donc, fidèles au principe que nous avons adopté dans ce livre, nous nous abstenons de porter un jugement critique sur l’œuvre d’art en elle-même, ce qui, ici, nous est d’autant plus facile que nous n’avons pas affaire à des œuvres achevées, la signification de ces quatre projets, au point de vue biographique, n’en demeure que plus claire et plus intéressante ; et cette signification, on l’a vu, se lie étroitement à celle des écrits de Zurich. Wagner a dit de ces projets dramatiques : « Ce fut là et alors que la direction que j’avais suivie inconsciemment, par pure nécessité artistique, se révéla pleinement à mon moi conscient », et, pour répondre à un de ses premiers commentateurs, qui avait parlé de la « science trop hâtive » du maître, il ajoute, au moment où il terminait Opéra et Drame : « C’est maintenant que je dois comprendre une fois de plus que je n’eusse point découvert les principes dirigeants du drame de l’avenir, si, comme artiste, je n’étais, pour ainsi dire, tombé dessus, en toute inconscience, dans mon Siegfried ». Donc, à ce stage du développement marqué par le passage de « l’inconscience à la conscience », de la rêverie instinctive à l’invention d’une forme de drame nouvelle, plus parfaite, répondant pleinement aux exigences de l’esprit allemand, dans la conception voulue, claire et rationnelle de cette forme, on voit bien que ces ébauches ont ioué un rôle décisif.