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que le maître eût pris la résolution finale de se détourner de l’opéra, jusqu’à ce qu’il eût pleine concience des conditions fondamentales de l’œuvre d’art nouvelle, il continua, même après Lohengrin, à tâter le terrain, à chercher « si l’opéra était vraiment une possibilité », et, par l’allure fiévreuse de ces tentatives, on peut se figurer le désespoir de l’artiste, qui, chaque jour davantage, reconnaissait que son œuvre en tant qu’opéra n’était point possible, et que cependant, il ne saurait se passer de la coopération de la musique, de tout cet appareil, en un mot, qui ne convenait alors que sur la scène d’opéra. Pour le poète dramaturge, ce fut bien la crise de sa vie.

Dans cette seule année 1848, alors qu’il rédigeait son projet complet d’organisation d’un théâtre national allemand et qu’il se préoccupait de questions politiques et leur prêtait le secours de son éloquence, nous le voyons engagé dans au moins quatre projets dramatiques, chacun d’inspiration distincte : Frédéric Barberousse, la Mort de Siegfried, Jésus de Nazareth, Wieland le Forgeron.

Frédéric Barberousse était conçu comme un grand drame historique, « devant représenter, en cinq actes, la carrière de Frédéric, depuis la diète de Roncaglia jusqu’au jour, où, croisé, il partit pour la terre sainte ». Ce projet n’a pas été inséré dans les Œuvres complètes ; seul, le résidu des nombreuses études historiques auxquelles il avait poussé le maître nous a été conservé dans l’écrit : Les Wibelungen ou l’Histoire universelle tirée de la légende. La Mort de Siegfried est un grand drame mythologique, fragment d’un essai qui devait embrasser tout le mythe des Nibelungen. « Avant d’écrire la Mort de Siegfried », disait plus tard Wagner à Uhlig, « j’esquissai le mythe entier, dans