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Impossible d’imaginer étiquette plus erronée pour l’homme qui, dès ses jeunes années, proclamait que « ce n’est que par un renversement complet des procédés d’opéra, qu’on arrivera à faire ce qu’il y a à faire ». D’autre part, déjà avec Lohengrin, il avait poussé sa forme propre, nouvelle, jamais pressentie par l’opéra, jusqu’à un tel point de perfection, que Liszt pouvait écrire : « Le caractère propre de la musique de cet opéra est une telle unité de conception et de style, qu’on n’y trouverait pas une phrase mélodique, moins encore un morceau d’ensemble, en un mot, pas un passage, qui puisse pleinement se comprendre dans son originalité et dans son vrai sens, si on l’abstrait de l’œuvre entière. Tout est lié, enchaîné, dans une progression continue. Tout est uni étroitement au sujet et ne saurait s’en séparer. » Mais, plus les œuvres de Wagner gagnaient en unité, plus leur forme se rapprochait de la perfection, et plus les musiciens criaient à l’arbitraire, au manque de forme, à l’iconoclastie, etc. J’ai déjà cité cette grotesque et monstrueuse absurdité : la musique de Lohengrin taxée d’« amorphie érigée en principe ! » Et ces critiques ne voulaient ni ne pouvaient comprendre que, chez Wagner, c’est la loi qui règne, tandis que, dans la musique absolue, ce n’est que la tyrannie de l’arbitraire ! Il va de soi que des gens qui s’obstinaient à faire du drame un simple accessoire, ne pouvaient reconnaître que, chez Wagner, chaque modulation, non seulement se justifie dramatiquement, mais encore est dramatiquement nécessaire… Si, toutefois, je reviens sur tant d’inintelligence et d’aveuglement, c’est afin de faire remarquer au lecteur que rien n’est plus admirable, chez Wagner, que précisément la perfection de la forme. Mais il est dans l’essence des choses que