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et si plastiquement distincts, qu’un enfant même les saisirait sans peine. Des juges des plus compétents ont pu dire qu’il n’y a pas au monde d’exposition aussi claire que le premier acte de Lohengrin ! Lohengrin, donc, nous présente un drame qui s’avoisine encore à l’histoire et participe quelque peu de sa masse, mais réduit à ses motifs les plus simples, les plus exclusivement humains, motifs traités jusqu’à leur épuisement presque complet. Et nous voyons comment, dans ces trois œuvres, le Vaisseau Fantôme, puis Tannhäuser et Lohengrin, le musicien affirme, construit et développe, avec une sûreté grandissante, cette « faculté du drame qui correspond à l’expression musicale ».

Lorsque l’on considère plus spécialement la composition musicale, on note une progression analogue, à partir du Vaisseau Fantôme ; et c’est là une nécessité, puisque le musicien et le poète, pressés du même besoin, du même ardent désir d’expression, ne faisaient qu’un. Wagner nous disait plus haut : « C’est avec le Hollandais Volant que commença ma carrière de musicien dramaturge et que je dis adieu, pour toujours, à celle de librettiste d’opéras. » Dans les deux assertions il y a quelque chose de trop absolu, qu’il ne faut accepter qu’avec certaines réserves, car Wagner fut poète dès le début, et dès le début il tendit à donner à sa musique la forme de l’unité, la forme symphonique. Mais ce n’était point encore la trame symphonique s’étendant sur tout le drame, pour en constituer l’unité extérieure, tout en communiquant immédiatement au sentiment l’unité intérieure. Au sujet de cette maturation dont je viens de parler, je puis citer les propres paroles du maître : « Même à ce procédé, jamais employé auparavant dans son extension corrélative au drame tout entier, je ne suis pas