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aux lois d’une logique rigoureuse ; je ne sache pas où s’en trouverait un plus frappant exemple dans toute l’histoire de l’art. Et l’on ne peut, me semble-t-il, expliquer ce phénomène que par l’extraordinaire énergie du caractère de Wagner, qui l’isolait en quelque sorte du monde et l’entourait d’une atmosphère faite de sa propre activité et de ses espérances. Mais il n’y a pas non plus de changement de direction, quand on passe de Lohengrin aux grandes œuvres de la seconde moitié de sa vie ; seulement, le maître « s’est rendu clairement compte », non pas d’un idéal nouveau, non pas d’une nouvelle espèce d’art à atteindre, mais bien de ce à quoi il est parvenu déjà. Cette « tendance », prétendue ultérieure, c’était la voie où il s’était engagé avec la tragédie de ses années de collège, avec la Pastorale qui lui avait succédé. Mais c’est maintenant que, pour la première fois, Lohengrin achevé, il embrasse du regard le chemin parcouru ; il se comprend enfin lui-même, et par là, se rend maître de cette nécessité intérieure à laquelle il lui faut, sans doute, encore céder, mais par laquelle il ne se laisse plus conduire aveuglément, et à laquelle, d’un geste souverain, il montrera désormais la route. Il serait plus qu’étrange que nous consentissions à admirer d’autant plus les œuvres de la première moitié de sa vie, qu’elles se rapprochent davantage de la maîtrise consciente et libre, pour déprécier ensuite les œuvres parfaites de sa maturité ! Mais tout aussi singulière est cette opinion, aujourd’hui assez répandue, surtout en France, qui n’accorderait aux œuvres antérieures à Tristan qu’une valeur purement historique ; c’est là un dogmatisme étroit et anti-artistique. Wagner dit quelque part qu’il est plus facile de bien représenter les Maîtres Chanteurs que le Tannhäuser : peut-être