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fois il est peu probable que le nouvel opéra se maintienne longtemps au répertoire, car la critique est entrée en campagne contre lui ». Et veut-on savoir comment elle « entrait en campagne ? » Le Signal, en novembre 1847, osait dire : « Il faut des gendarmes pour pousser les gens à entrer à l’Opéra, afin que Rienzi ne se donne pas devant des bancs vides. On a déjà formé le projet, d’y conduire en masse les prisonniers polonais… Mieroslawski a pâli d’effroi, quand on l’a menacé de lui extorquer un aveu sur ce chevalet d’un nouveau genre. De cette façon, Rienzi servirait au moins à quelque chose… » Et voilà quel devait être, pendant trente ans, le ton adopté par la presse à l’égard d’un Wagner ! Le célèbre théoricien musical, Moritz Hauptmann, donnait ainsi son verdict sur l’ouverture de Tannhäuser : « Je la tiens pour un produit avorté, maladroitement conçu… horrible, inconcevable, gauche, long et ennuyeux… L’homme qui peut faire et exhiber pareille chose, me paraît avoir une vocation artistique des plus douteuses ». Encore en 1870, la même « autorité » traitait les œuvres scéniques de Wagner de « riens artistiques » et de « radotage absurde, macédoine insensée de métrique et d’harmonie ». Et sur Lohengrin, où Liszt, voyait « une merveille unique et indivisible… l’œuvre d’art la plus haute et la plus parfaite », toute la presse berlinoise, en 1866, vingt ans après son achèvement, se permettait des appréciations comme celles-ci : La musique de Lohengrin est : « l’amorphie érigée en principe… un vagissement confus et froid qui glace les sens et le cœur… un abîme d’ennui… vide de mélodie. Il faut que tout ce qu’il y a, dans l’art, de noble et de digne réagisse contre pareille caricature de ce qui fait l’essence de la musique », etc.