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écrit, de Bayreuth : « Si ces gens-là, ceux du dehors, s’offusquent des représentations de mes œuvres dans leurs grandes villes, qu’ils sachent au moins que ce n’est, certes, pas pour mon plaisir qu’elles se donnent. » De la diffusion et du succès de ces œuvres, nous ne saurions donc conclure qu’au charme puissant de leur musique, et aussi à cette puissance indicible, mystérieuse, de la beauté harmonique, qui, comme l’œil de Siegfried « se montre et transparaît même à travers l’illusion mensongère ». C’est seulement tout récemment, en 1891, 1892 et 1894, sur la scène des Festspiele, à Bayreuth, qu’ont eu lieu des représentations de Tannhäuser et de Lohengrin, tels que le maître « les avait pensés ». Pour faire comprendre ce point essentiel, que quelques lecteurs pourraient ne pas saisir d’emblée, je citerai l’exemple de ce qui se passa à Zurich. Sur le désir exprimé par la direction théâtrale de cette ville, Wagner y fit exécuter son Vaisseau Fantôme, et voici comment il résume, dans une lettre à Uhlig, l’expérience faite : « La première représentation me montra clairement qu’il fallait abandonner toute illusion en ce qui concerne le drame et me contenter de faire valoir de mon mieux le peu d’opéra qui se mêle au Vaisseau Fantôme ». Un peu plus loin, il reconnaît, d’ailleurs, que cette pièce, « même à titre d’opéra », peut produire quelque effet. Si ce fut là l’expérience personnelle du maître, si lui-même ne put, sur une scène d’opéra, faire comprendre le drame beaucoup plus simple du Vaisseau Fantôme, on peut imaginer ce qu’il dut en être pour Tannhäuser et Lohengrin, sur d’autres théâtres, où l’étude et la mise en scène furent dirigées pardes chefs d’orchestre et des régisseurs qui n’avaient pas la moindre idée des desseins artistiques de Wagner. Ce n’est donc point sur le triomphe de ces