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qui nous montrent tous les phénomènes revêtus d’une teinte permanente et immuable, et nous font ainsi perdre de vue des dégradations de nuances qui, pour être très délicates, n’en sont pas moins souvent essentielles. Ici, c’est la notion « d’opéra » qui rend la compréhension difficile. Wagner dit quelque part : « Les tristesses et les humiliations les plus irrémédiables de ma vie, les mieux faites pour me tourmenter, les plus avilissantes, ont eu pour source ce seul malentendu qui faisait uniquement de moi, aux yeux du monde et de tous ses éléments tant artistiques que sociaux, à raison des nécessités de mon existence extérieure et de la condition des choses, un « compositeur d’opéras » et un « chef d’orchestre d’opéra ». Cet étrange quiproquo a apporté une confusion constante dans mes rapports avec le monde et tout particulièrement dans mon attitude vis-à-vis de lui et de ses prétentions à mon égard ». C’est ce même quiproquo qui trouble encore la claire et libre compréhension des facultés poétiques de Wagner et de la nature propre de ses œuvres. On se trompe déjà quand on croit qu’il appartenait à la classe des musiciens de profession ; car il ne fut que douze ans chef d’orchestre, c’est-à-dire pendant le quart de sa vie publique, soit la sixième partie de sa vie entière. Il n’a point grandi dans un cercle proprement musical ; ses études spéciales de musique, il les a poursuivies grâce à un enseignement privé, pendant qu’il était étudiant d’université, et, sans avoir jamais mis les pieds dans une « école de musique» quelconque ; ce qu’il acquit, il le dut à une étude personnelle, infatigable, des partitions, de celles surtout de Beethoven, dont, à vingt ans, il savait par cœur la IXe Symphonie. Ce fut alors qu’il aborda la scène. Tout ce développement nous montre, à lui seul, un homme pour qui la musique