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extraordinaire, celui du langage : c’est à dessein que je dis : du langage, et non des langues, car on put voir par la suite qu’il n’avait pas la moindre aptitude à devenir polyglotte et que ce n’était point cette érudition toute formelle où se complaît essentiellement notre philologie, mais bien la compréhension profonde, artistique, de l’organisme vivant du langage, qui lui inspirait un enthousiasme si frappant. Cela est certainement remarquable et prête une signification particulière à ce fait, qu’il s’essaya en même temps à des poèmes et à des tragédies, car à un tempérament réceptif, ouvert à toutes les impressions et dont l’instinct créateur est nettement marqué, vient s’ajouter une disposition exceptionnelle pour scruter les secrets des moyens d’expression.

Pour pouvoir parvenir à une expression artistique parfaite, il faut d’abord acquérir et conquérir un langage, et c’est à cela que, de bonne heure, son instinct artistique poussa le jeune homme. Mais on découvrit bientôt que ses efforts pour le conquérir n’avaient pour objet que la seule « expression », et que les professeurs du gymnase de Dresde étaient dans une erreur profonde en voulant voir, dans le don que le jeune Wagner avait pour les langues, une disposition pour la philologie. Cela se montra surtout à la façon dont il en vint à étudier la musique.

Il est vrai que Wagner enfant fit preuve de dons musicaux incontestables, car, sans avoir reçu aucune instruction, il jouait d’oreille et à vue. Cependant, la technique du piano lui était décidément à charge, et il ne montra un intérêt réel pour la musique que quand, à l’âge de seize ans, il eût terminé sa première tragédie, une combinaison de Hamlet et du Roi Lear. Encore ici, une influence tout extérieure eut une portée