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qu’on me permettra d’appeler le « formalisme » ; on ne se borne plus à considérer les motifs comme les membres isolés d’un corps symphonique, mais on étend l’enquête à toutes les œuvres du maître et on nous apprend que certaine figure, ascendante, puis descendante, est la « formule interrogative » de Wagner, qu’une autre, chromatique et ascendante, est la formule du désir et de l’aspiration, etc., etc. Or tout cela n’est, à le considérer au mieux, que ce que Beethoven appelait le « squelette dela musique. » Dans son écrit : Sur la Composition dit poème et de la musique, Wagner attire l’attention sur ce qu’a de vide, de ridicule presque, le thème principal de la symphonie en ut mineur, du moment où on ne l’envisage, justement, que comme « squelette » ; pourquoi donc a-t-il tant de signification ? C’est que Beethoven, dans ces notes, avait entendu le destin frapper à sa porte. De même, les motifs de Wagner n’ont une puissance si convaincante que parce qu’ils ne proviennent pas d’une invention musicale arbitraire, mais bien des images vivantes d’une conception poétique parvenue à son maximum d’intensité, qui les lui étalait distinctement aux yeux. Les motifs musicaux méritent donc au plus haut point notre attention ; c’est la merveille de ces éléments musicaux, que l’unité de l’œuvre d’art y apparaît et y prend forme, à la fois, au dedans et au dehors ; mais il nous faut bien reconnaître que ces motifs ne sont pas ce qu’il y a de premier et d’original dans l’édifice musical, mais bien plutôt le couronnement de l’acte créateur proprement dit. Qu’on arrache ces éléments à leur cadre, à leur environnement, et il ne reste qu’une sèche « formule » ; en elle-même, une phrase comme ce qu’on appelle le « motif de Tristan » est tout aussi insignifiante que le « sol, sol, sol, mi-bémol « de la Symphonie