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pouvons nous en tenir qu’à l’œuvre d’art, et à l’impression qu’elle fait sur nous, impression, en fin de compte, tout individuelle ; ce que l’on peut en extraire de régies artistiques de portée générale est toujours bien peu de chose, et ceux qui trouvent beaucoup à en dire sont justement ceux qui n’ont rien compris à ce qui est principal. » (Sur les poèmes symphoniques de Franz Liszt.)

Et les œuvres de Wagner, plus que d’autres, courent précisément le danger d’être sacrifiées à une exégèse trop zélée : mythe, légende, histoire, politique, sociologie, philosophie, religion, tout, en un mot, est appelé à la rescousse pour une prétendue explication d’œuvres qui n’ont besoin, pour être comprises, que de sens ouverts et d’un cœur qui sait sentir. C’est naturellement la musique surtout qui a été offerte en holocauste à cette manie exégétique, car si la musique est aussi peu de la mathématique ailée que l’architecture de la « musique congelée », sa forme, cependant, est une forme arithmétique ; derrière ses effets, il y a des mouvements déterminés. Si donc, grâce à Liszt et à d’autres musiciens, tout le monde est aujourd’hui d’accord pour penser que la musique de Wagner, loin d’être « amorphe » ou malhabile, est au contraire le dernier mot de la perfection technique, cette vérité est, en revanche, devenue si évidente que les ennemis du génie ont opéré une brusque conversion et se sont mis à prétendre que rien chez Wagner ne jaillissait du cœur, qu’il était un génie mathématique, opérant sur des sons. Et ce qui subsiste davantage encore, c’est ce qu’on a appelé la « manie du motif », une maladie qui a fait perdre à plus d’un son peu d’intelligence artistique.

Cette tendance dégénère de plus en plus dans ce