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travailler à l’œuvre d’art de l’avenir ! Il faudrait pourtant bien que les sots apprennent à lire, avant de se mêler d’écrire ! » Il avait d’ailleurs, précédemment déjà, déclaré à Uhlig que « l’œuvre d’art de l’avenir ne saurait à présent être créée, mais tout au plus préparée ».

Ces divers passages prouvent, en tout cas, que la doctrine artistique générale de Wagner, et même sa théorie particulière du drame purement humain, doivent être considérées en dehors de son œuvre dramatique personnelle. Elles forment, comme le lecteur a pu s’en rendre compte, une partie organique de sa conception totale de l’univers.

Dans l’œuvre dramatique de Wagner, au contraire, le génie individuel domine tout le reste. Et Wagner a beau nous dire que, s’il a pu établir en théorie les éléments essentiels du drame purement humain, c’est « parce qu’il les a d’abord inconsciemment découverts dans la pratique de son art » : cette déclaration n’atténue pas l’erreur de ceux qui prétendent voir dans son œuvre un exemple complet et définitif de l’œuvre d’art de l’avenir, telle qu’il l’a conçue. Admettons plutôt, comme il le dit encore, que « l’œuvre d’art de l’avenir peut tout au plus aujourd’hui être pressentie. » Et il ajoute : « Seul le solitaire, dans son amer sentiment du tragique de cette situation, peut s’élever à un état d’ivresse assez complet pour tenter de réaliser l’impossible. »

Que Wagner ait « réalisé l’impossible », c’est ce que nous sommes bien tentés de croire, quand nous entendons Tristan, l’Anneau du Nibelung, Parsifal, et les Maîtres Chanteurs. Et ces œuvres incomparables nous donnent le clair « pressentiment » de ce que sera l’œuvre « collective » de l’art de l’avenir. Mais cet art