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Et d’autre part, ne voyons-nous pas les musiciens s’efforcer durant deux siècles, depuis Peri et Monteverde jusqu’à Gluck, de revenir directement à la tragédie grecque ? Leurs efforts, en vérité, sont restés vains, car ils essayaient de verser un vin nouveau dans de vieux vases, en voulant marier la musique moderne avec la poésie antique. Mais ces vains efforts n’en attestent pas moins une aspiration qui devenait sans cesse plus pressante et plus forte, chez les musiciens comme chez les poètes, une aspiration vers une forme d’art supérieure, où le poète et le musicien pourraient collaborer. Il leur manquait seulement la clef qui leur aurait ouvert ce royaume nouveau. Gluck disait que « le plus grand musicien ne pouvait encore faire que de médiocre musique, si le poète ne lui fournissait un sujet, qui l’inspirât. » Et vers le même temps, Schiller affirmait que « le drame tendait vers la musique » ; il racontait que ses idées poétiques naissaient toujours en lui « d’une certaine disposition musicale » ; il écrivait à Gœthe : « J’ai toujours eu l’espoir que l’opéra pourrait nous rendre la tragédie antique sous une forme plus noble. » Gœthe, de son côté, rêvait « une action commune de la poésie, de la peinture, du chant, de la musique, et de l’art théâtral » ; et il ajoutait : « Quand tous ces arts pourront agir en commun et se trouver réunis dans un même spectacle, ce sera là une fête à laquelle nulle autre ne se pourra comparer. » Les critiques, eux aussi, en Allemagne comme en France, exprimaient le même vœu. Lessing, par exemple, disait « que la nature lui paraissait avoir destiné la poésie et la musique non pas tant à être liées ensemble qu’à former un seul et même art ». Herder prévoyait une œuvre d’art « où la poésie, la musique, l’action et la décoration ne feraient qu’un ». Restait seulement à