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de la pitié un terrain solide, où elle puisse prendre pied chez nous, en dépit des partisans du dogme, de l’utilité. » Wagner explique « la corruption de la religion chrétienne par l’intervention du judaïsme dans la formation de ses dogmes ». Notre civilisation, d’après lui, loin d’être chrétienne, serait « le triomphe des ennemis de la foi chrétienne », un « mélange de barbarie et de judaïsme » ; aussi nos religions sontelles impropres à frayer la voie de la régénération[1].

Ce qu’était la religion que rêvait Wagner, ses écrits ne le disent pas, mais bien ses œuvres d’art, depuis les Fées jusqu’à Parsifal. Car, si la coopération de l’art est indispensable pour la restauration d’une religion véritable, l’art véritable, de son côté, ne peut se concevoir qu’en tant qu’émanation de cette religion. « Ce n’est que sur la base d’une vraie moralité qu’une véritable fleur d’art peut croître et prospérer ; » c’est pourquoi Wagner dit : « La nouvelle religion contient et implique les conditions de l’œuvre d’art ». Dans À quoi sert cette connaissance ? nous lisons : « Mais l’art le plus élevé ne saurait trouver l’énergie nécessaire pour de semblables révélations, s’il lui manque la base du symbole religieux de l’ordre de choses moral le plus parfait, car c’est par là seulement qu’il peut se faire vraiment comprendre du peuple. » On voit, par conséquent, en quel sens l’art de Wagner, comme tout art vraiment élevé, p»ut avec raison être taxé de « religieux ».

  1. Cf. Tolstoï : « Mais, quand je me mis à étudier le christianisme, je trouvai, à côté de cette pure source de vie, un amas d’impuretés et de boue qui s’y sont mêlées contre toute justice ; à côté de la sublime doctrine chrétienne, je trouvai, unie à elle, une doctrine étrangère, informe, une doctrine hébraïque et ecclésiastique. » (Les Evangiles, préface.)