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trés de la conscience d’une vie sociale supérieure, nous demeurons accessibles à ce médiateur du sublime et de sa terreur sacrée, et si nous nous laissons docilement conduire, par l’artiste, par ce poète du tragique universel, vers une expression apaisée de cette vie humaine ! Ce prêtre-poète, le seul qui n’ait jamais menti, s’est toujours, ainsi qu’un interprète et un ami, associé à l’humanité à travers ses lamentables égarements : il saura nous accompagner encore sur le chemin de cette vie nouvelle, et nous présenter encore, dans la vérité idéale, le symbole de tout ce qui passe, alors que, depuis longtemps, la pseudo-réalité de l’histoire dormira enterrée sous les paperasses jaunies de la civilisation ».

Mais, nous avons vu plus haut que « toute véritable aspiration, et toute force rendant possible l’accomplissement de la régénération, ne sauraient avoir leur origine que dans le sol profond d’une véritable religion. » Aussi est-ce le rapport de l’art à la religion qui est, de beaucoup, le plus important. Car s’il réussit à s’élever, de son rôle inférieur de récréation, de distraction innocente, à la hauteur d’un « acte religieux sanctifiant et purifiant », comme le demande Wagner, alors on comprend « de quelle signification pourra être cet art, épuré des exigences immorales qui aujourd’hui le dénaturent, ce qu’il pourra être sur le terrain d’un nouvel ordre moral des choses, en particulier pour le peuple ». Quel service inappréciable et immense l’art, ainsi compris, a rendu à la vraie religion, et quels bien plus grands services il est appelé à lui rendre encore, c’est ce que Wagner montre dans un passage capital, qui sert d’introduction à La Religion et l’Art :

« On pourrait dire que, là où la religion devient artificielle, c’est à l’art qu’il appartient d’en sauver la