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une action immédiate, comme par exemple, « d’ennoblir les mœurs » ; mais il possède le pouvoir magique de révéler l’homme à lui-même, et de lui tracer le chemin qui le conduira à la régénération.

Presque à la même époque, Wagner reconnut dans l’art, « le représentant de la nécessité », ou, comme il dit encore « la nécessité de la nature ». Par là se trouve clairement défini le rapport de l’art à la métaphysique. L’art ne saurait prétendre à exprimer jamais une abstraction métaphysique : mais il y a un art supérieur, qui se distingue de la production artistique ordinaire en ce que le déploiement de son activité est nécessaire, involontaire ; et ce qu’il parvient à représenter, ce sont les manifestations de cette essence première et transcendante du monde : la nécessité, la volonté, de quelque nom qu’on la désigne. L’art « dégage la pensée immatérielle de la sensation » ; c’est pourquoi Schopenhauer le tenait en si haute estime, et voyait, à son point de vue exclusivement philosophique, « son véritable but dans le fait qu’il fraie la voie aux idées cosmiques, aux idées sur le monde. » En ceci aussi l’art joue donc, dans la conviction de Wagner, un rôle capital d’intermédiaire ; il est l’intermédiaire d’une pénétration plus profonde de l’essence du monde ; pénétration qui est, elle-même un élément indispensable de la pensée de la régénération.

Dans l’Œuvre d’art de l’Avenir, nous trouvons la troisième thèse capitale : « L’œuvre d’art est la religion rendue sensible sous une forme vivante. » Donc, ici aussi, en matière religieuse, l’art est l’intermédiaire, l’exposant, pourrait-on dire, et son office est de « faire toucher au doigt la signification la plus haute », et de « montrer la vraie direction » à suivre. « Heureux serons-nous », s’écrie Wagner plus tard « si, péné-